Michael Samuels, The Fear

Une mini-série qui pêche peut-être par son format

Richie Beckett est un ancien gang­ster qui semble vou­loir se rache­ter une conduite en se recon­ver­tis­sant dans l’immobilier. La mini-série s’ouvre sur l’inauguration en grande pompe des futurs tra­vaux qu’il a finan­cés par un gros chèque pour réno­ver la West Pier (la jetée) de Brigh­ton. Un phi­lan­thrope, donc, qui est pour­tant entraîné par ses deux fils dans un bras de fer dan­ge­reux et violent avec des truands alba­nais (à moins qu’ils ne soient koso­vars) prêts à tout pour prendre la relève sur la ville.
Très vite, cepen­dant, Richie-le-dur est aussi confronté à des pro­blèmes d’ordre per­son­nel : il souffre d’accès de vio­lence incon­trô­lés et sur­tout de pertes de mémoire (comme dans la scène où, bous­culé par un cycliste qu’il recroise peu après, il le passe à tabac en pleine rue, avant d’oublier com­plè­te­ment la scène ensuite) qui sont bien­tôt diag­nos­ti­quées comme les pre­miers signes de la mala­die d’Alzheimer. Irré­ver­sible et rapide, l’évolution de cette infir­mité le fait pas­ser de chef de gang res­pecté à vieil homme impuis­sant et peu fiable.

Sur le papier, l’histoire est allé­chante, sutout si l’on pré­cise que le pre­mier rôle est tenu par Peter Mul­lan, dont l’expressivité tran­quille est par­fai­te­ment trou­vée par la proxi­mité de la caméra de Michael Samuels. Ces deux points forts servent à la per­fec­tion l’objet de la série : plon­ger le télé­spec­ta­teur dans la tête de cet homme qui la perd peu à peu, per­ce­voir les va-et-vient inces­sants entre le mal­frat intrai­table et le malade men­tal. Cepen­dant, les mou­ve­ments de caméra, les accé­lé­ra­tions, les ralen­tis, les flous, s’ils consti­tuent une bonne manière d’entrer en effet dans le per­son­nage, peuvent aussi finir par irri­ter. Et c’est bien là l’un des pen­chants néga­tifs de la série, mal­gré un scé­na­rio inté­res­sant et des acteurs convain­cants dans l’ensemble.
À force de sty­lisme, le spec­ta­teur est perdu. Perdu aussi dans les nom­breux fla­sh­backs. En plus de tout le reste, Richie se trouve aux prises avec un évé­ne­ment dra­ma­tique et trau­ma­tique de son passé (dont on ne com­prend  en défi­ni­tive pas vrai­ment ce qu’il peut avoir de plus frap­pant qu’un autre pour un gang­ster de sa trempe) qui revient le han­ter de plus en plus sou­vent alors qu’il sombre dans la folie. Des scènes répé­ti­tives, quasi iden­tiques (on n’en apprend plus qu’à la toute fin) et qui mor­cellent la nar­ra­tion par­fois pous­sive de son côté. De la même façon que les crises de démence ou pertes de facul­tés de Richie sont sur-utilisées aussi, comme si le réa­li­sa­teur crai­gnait de ne pas avoir été suf­fi­sam­ment clair au bout de la pre­mière, de la deuxième, de la troi­sième explication.

Dommage, car Peter Mul­lan ne déçoit pas et le deuxième per­son­nage de l’histoire – qui n’est ni Anas­ta­sia Hille, for­mi­dable aussi dans le rôle de la femme, Jo ; ni les deux fils plus ou moins bien inter­pré­tés et cré­dibles en méchants, Harry Lloyd dans le rôle du cadet Matty et Paul Nicholls dans celui de l’aîné Cal, mais la ville de Brigh­ton  – est par­ti­cu­liè­re­ment bien filmé : des rues à la plage, de la jetée aux superbes bâti­ments de stuc. De même pour l’idée de départ, la plon­gée dans la psy­ché per­tur­bée d’un gang­ster, qui a fait des émules depuis que Tony Soprano a tenté de régler ses pro­blèmes exis­ten­tiels dans le fau­teuil d’un psy. On ne peut s’empêcher d’être fas­ci­nés par l’esprit des psy­cho­pathes et des tueurs, alors assis­ter à la dés­in­té­gra­tion de ces mêmes esprits… Peut-être au fond que le seul pro­blème de cette mini-série de quatre heures est son for­mat : elle aurait mieux fonc­tionné, concen­trée et recen­trée, sous la forme d’un film de deux heures.

agathe de lastyns

Voir la bance-annonce ici

The Fear, cof­fret 2 DVD, Mont­par­nasse,
Michael Samuels (réa­li­sa­teur)
Avec Peter Mul­lan, Anas­ta­sia Hille, Harry Lloyd
mai 2014, 4x50 minutes
20,00 €

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Filed under DVD / Cinéma

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