Henri Lœvenbruck, Pour ne rien regretter

Sur les ruines d’une terre dévas­tée, l’espoir…

Ce roman, comme le pré­cé­dent, a pour cadre Pro­vi­dence, cette ville mythique chère, par exemple, à Love­craft. C’est l’endroit où s’est réfu­giée Mélaine, après la mort de son époux, avec Vera sa petite fille. C’est une ville déso­lante, dés­in­dus­tria­li­sée, où pèse le défai­tisme. Vera va appré­hen­der le monde à tra­vers le prisme d’Asperger. Elle va gran­dir avec cette mala­die de l’introversion comme elle l’appelle. Elle va pro­gres­ser seule car reje­tée par les autres enfants qui la sur­nomment La Gogole. Elle déve­loppe son propre uni­vers en se réfu­giant dans un lavoir en ruines ou dans le garage d’un oncle d’adoption. Là, elle s’invente une nou­velle exis­tence.
Sa vie va bas­cu­ler quand une mul­ti­na­tio­nale, Goliath, va ins­tal­ler des uni­tés de pro­duc­tion. Elle va devoir gérer un cer­tain nombre de drames qui vont lui insuf­fler une haine contre cette unité éco­no­mique qui veut modi­fier l’environnement. Avec l’aide de quelques jeunes, elle entre en rébel­lion, entre dans une lutte disproportionnée…

Ce nou­veau roman s’inscrit dans la lignée de Nous rêvions juste de liberté où l’auteur inter­ro­geait les rap­ports aux autres, le sen­ti­ment d’amitié. La bande à Hugo va réa­li­ser ce rêve en fuyant Pro­vi­dence pour tra­ver­ser le pays en moto. Ils vont for­mer un clan où l’indépendance et l’amitié seront force de loi, pour le meilleur et pour le pire, car décou­vrir la liberté se paie cher.
Avec Pour ne rien regret­ter, l’essentiel du récit passe par Vera, la narratrice-héroïne pour évo­quer les rap­ports à notre société, dite occi­den­tale, à l’environnement dans son ensemble.

Sorte de conte phi­lo­so­phique, fable éco­lo­giste, ce nou­veau com­bat de David contre Goliath sou­lève l’enthousiasme. Dans le pes­si­misme actuel où baigne la France, Henri Lœven­bruck ima­gine un récit, à l’inverse de trop de dys­to­pies, où un ave­nir offre l’opportunité de d’améliorer une qua­lité de vie, d’accroître les liber­tés plu­tôt que les res­treindre, ce cou­rant qui se répand trop.
Avec son héroïne, cette jeune femme à part, il observe le monde sous un angle dif­fé­rent, usant de frai­cheur voire de naï­veté. Pour le roman­cier, Vera incarne la jeu­nesse d’aujourd’hui en quête d’un ave­nir sou­hai­table, cou­pant les liens avec les erreurs du passé pour construire une société plus juste.

Les dérives socié­tales et envi­ron­ne­men­tales décrites sont bien connues. L’auteur sou­haite, sur les pas d’une héroïne bien atta­chante, mon­trer qu’un futur plus favo­rable peut être construit plu­tôt que celui des cor­po­ra­tions du Tech qui n’ont qu’un seul but, le pro­fit, peu importe le prix. Il donne à Véra une façon de s’exprimer un peu mal­ha­bile, pro­po­sant des expres­sions défor­mées, des jeux de mots savoureux.

Un nou­veau roman où l’humour décalé le dis­pute à la poé­sie — Henri Lœven­bruck n’est-il pas un tenant de Georges Bras­sens — pour une vision plus enthou­sias­mante que celle que le monde actuel pro­pose ? Et cela fait un bien fou !

serge per­raud

Henri Lœven­bruck, Pour ne rien regret­ter, XO Édi­tions, coll. “Romans”, octobre 2024, 336 p. — 21,90 €.

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