Wilfrid Lupano & Paul Cauuet, Les Vieux fourneaux — t.08 : “Graines de voyous”

Avec un art du récit et de la répartie…

Avec cette série, le scé­na­riste veut ancrer ses récits dans la réa­lité, par­ler du monde tel qu’il est, tel qu’il évo­lue, en bien et en mal. Dans ce tome, il évoque la trans­mis­sion entre géné­ra­tions, mon­trant les liens qui peuvent se tis­ser ou se défaire entre des grands-parents et leur des­cen­dance. Mais il sou­haite aussi mon­trer à tra­vers ses per­son­nages, aux carac­tères bien dif­fé­rents, qu’il n’y a ni gen­tils, ni méchants, que des indi­vi­dus por­teurs cha­cun d’une face lumi­neuse et d’une face sombre plus ou moins visible. Per­son­nel­le­ment, j’ai beau­coup de mal à extraire un pou­tine, un trump, du camp des méchants.
Wil­frid Lupano joue à mer­veille avec un phé­no­mène bien connu en psy­cho­lo­gie, la vérité n’existe pas dans les sou­ve­nirs. Ils sont réin­ter­pré­tés, qua­si­ment modi­fiés à chaque récit. Alors que pen­ser des auto­bio­gra­phies ? Ne sont-elles pas à prendre avec beau­coup de recul !

À Mont­cœur, c’est l’été. La cani­cule entraîne une telle sèche­resse que le fond de l’étang de la Gibe­lette est presque à nu. Mais ce n’est pas la météo qui va empê­cher Sophie de fêter les soixante ans du Loup en slip, ce théâtre iti­né­rant de marion­nettes crée par Lucette, sa grand-mère dis­pa­rue.
C’est l’occasion de revivre les évé­ne­ments de l’époque. Antoine raconte à sa petite-fille com­ment ils sont tom­bés amou­reux… en pre­nant quelques liber­tés avec la réa­lité. Pier­rot arrive aussi, mais ce vieil anar a une atti­tude bien dérou­tante. À peine des­cendu du bus, il se pré­ci­pite… à l’église ! Or, le vrai est en garde à vue, en atten­dant une com­pa­ru­tion immé­diate suit à un litige pour un café. Quant à Mimile, il prend la pose avec l’équipe de rugby car un de ses cadets intègre le club de Tou­louse.
Mais cette atmo­sphère fes­tive va vite déra­per avec une invi­tée sur­prise, l’émergence de ran­cunes tou­jours nour­ries, un bra­ce­let électronique…

De nom­breux traits d’humour, de situa­tions hila­rantes, émaillent l’histoire. Que ceux-ci soient bon enfant, voire potaches, ou cin­glants, ils font mouche. La scène où Pier­rot essaie de com­man­der un café avec les pro­cé­dures infor­ma­tiques modernes est déso­pi­lante mais ter­ri­ble­ment effrayante pour un ave­nir tota­le­ment com­mandé par des machines. Celles-ci ne servent plus l’homme mais c’est lui qui se plie à leurs dik­tats. La vignette où Pier­rot montre son bra­ce­let élec­tro­nique en disant : “Le même que Bal­kany !”, retrouve un trait poli­tique.
Le des­sin est assuré depuis le début de la série par Paul Cauuet et la mise en cou­leurs par Jérôme Maffre depuis le tome 5. À eux deux, ils signent un gra­phisme puis­sam­ment expres­sif qui impulse un relief sin­gu­lier au récit.

Ce hui­tième tome est aussi un anni­ver­saire puisque la série a débuté en 2014. Sou­hai­tons longue vie à ces trois héros et à leur entou­rage. Mais ils vieillissent ! Alors pro­fi­tons au maxi­mum de leur présence.

lire un extrait

serge per­raud

Wil­frid Lupano (scé­na­rio), Paul Cauuet (des­sin) & Jérôme Maffre (cou­leurs), Les Vieux four­neaux — t.08 : Graines de voyous, Dar­gaud, novembre 2024, 56 p. — 15,00 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>