Jean-Pierre Burgart, Dédale aux cloisons d’air et de temps – Post scriptum

Sortie des fantômes

Lire Bur­gart est un délice. Le temps venu, il se fend de sa (courte et) mer­veilleuse bio­gra­phie dont sa propre feinte hagio­gra­phie prend des détours par­ti­cu­liers. Il se veut niais, phi­lis­tin et, de peur de nous déce­voir, dut s’affirmer d’esprit rétro­grade. Mais pour sau­ver ses meubles, il ne se lais­ser pas trou­bler par « la supé­rio­rité du per­vers qui jouit de la trans­gres­sion avec tris­tesse, hor­reur et souffrance”.

Si bien qu’un tel auteur tout sauf sot grenu ren­verse les donnes. Et ce, tan­dis que les contem­po­rains éclai­rés (à ce que leurs bou­gies valent) ne sont que des élé­ments haïs d’eux-mêmes et de leurs œuvres écrites d’une main et à peine humaine.
Bur­gart — peintre aussi de génie — habite de son dédale tous les élé­ments qui ridi­cu­lisent les intel­lec­tuels dont la connais­sance reste sans éner­gie, sans cou­rage. Ils n’écrivent pas de chefs-d’œuvre. Mais face à un cet état de déca­dence, une telle écri­ture bouge avec le bon usage de la dis­tance du « ver­tige mor­ti­fère et angoissé » qui, somme toute, fait le bon beurre des indigents.

Devant un monde agité et mou l’auteur invente le « De natu­rae rerum» des prin­cipes fon­da­men­taux de son ato­misme là où les hommes sont constam­ment en mou­ve­ment grâce aux espaces de vide qui existent entre eux. Mais pour lui, il faut refu­ser le mou­ve­ment aux corps, à la lit­té­ra­ture et à la pein­ture. Certes, Bur­gart recon­naît qu’à la matière se mêle un vide néces­saire pour que le mou­ve­ment com­mence mais jamais la pen­sée de tels notaires
La sienne devient une source où il puise. Son esprit s’enrichit, s’épanche (en res­tric­tion mesu­rée volon­tai­re­ment dans son texte) vers le tré­sor de sa doc­trine et de son exis­tence face aux vieillesses des savoirs qui se relâchent devant les liens de la vie.

Dans ce livre et sur chaque point, l’auteur offre une sorte d’abondance des preuves du grand « reset » des pen­seurs immo­biles et fiers donc fiers leurs avan­cées qui ne sont que des reculs. Un tel état des lieux est une réfé­rence. Tout ici avance ouvert face à ce qui enferme et referme là où le récit auto­bio­gra­phique prend une force cor­ro­sive loin de logo­ma­chie. Les mots céans sont de tous les jours. Le monde binaire n’est pas là où l’on croit, pas plus que la caste des maîtres jus­ti­ciers qui s’envoient en l’air dans tous les sens du terme.

Se défi­nis­sant comme à contre­sens de son appa­rence, le lec­teur n’a plus droit de res­ter cou­couche panier, ni de mouf­ter ou bou­ger immo­bile. Pas de points d’exclamation et pathos émo­tif pour le dire dans cette entrée des fan­tômes. Bur­gart devient le scribe non pro­tégé d’un monde qui jusque-là n’a jamais été si peu héra­cli­téen. Mais grâce à sa vie, le lec­teur se baigne plus dans le même fleuve ni dans d’abolis bibe­lots d’inanité sonore.

Ce livre est sul­fu­reux et bien plus qu’une plainte contre x. L’auteur trouve les mots qu’il faut pour que ce livre prenne sa forme, et une confor­ma­tion hors atteinte des connais­sances acquises. Bref, l’auteur s’est arrogé ce droit pour lui de nature et d’intelligence, de rêve et de rai­son. Il est ici non regar­deur d’un en deçà de lui mais un anti­ci­pa­teur non dys­to­pique. Un tel flux modéré engen­drant la nar­ra­tion et la réflexion d’une œuvre mini­ma­liste de taille devient par­faite. Du noir et blanc de l’écriture, sa cou­leur nous sauve de certain(e)s qui furent, sont ou seront.

jean-paul gavard-perret

Jean-Pierrel Bur­gart, Dédale aux cloi­sons d’air et de temps – Post-scriptum, édi­tions L’une & l’autre –Sens&tonkac & cie, 2021 .

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