Lire Burgart est un délice. Le temps venu, il se fend de sa (courte et) merveilleuse biographie dont sa propre feinte hagiographie prend des détours particuliers. Il se veut niais, philistin et, de peur de nous décevoir, dut s’affirmer d’esprit rétrograde. Mais pour sauver ses meubles, il ne se laisser pas troubler par « la supériorité du pervers qui jouit de la transgression avec tristesse, horreur et souffrance”.
Si bien qu’un tel auteur tout sauf sot grenu renverse les donnes. Et ce, tandis que les contemporains éclairés (à ce que leurs bougies valent) ne sont que des éléments haïs d’eux-mêmes et de leurs œuvres écrites d’une main et à peine humaine.
Burgart — peintre aussi de génie — habite de son dédale tous les éléments qui ridiculisent les intellectuels dont la connaissance reste sans énergie, sans courage. Ils n’écrivent pas de chefs-d’œuvre. Mais face à un cet état de décadence, une telle écriture bouge avec le bon usage de la distance du « vertige mortifère et angoissé » qui, somme toute, fait le bon beurre des indigents.
Devant un monde agité et mou l’auteur invente le « De naturae rerum» des principes fondamentaux de son atomisme là où les hommes sont constamment en mouvement grâce aux espaces de vide qui existent entre eux. Mais pour lui, il faut refuser le mouvement aux corps, à la littérature et à la peinture. Certes, Burgart reconnaît qu’à la matière se mêle un vide nécessaire pour que le mouvement commence mais jamais la pensée de tels notaires
La sienne devient une source où il puise. Son esprit s’enrichit, s’épanche (en restriction mesurée volontairement dans son texte) vers le trésor de sa doctrine et de son existence face aux vieillesses des savoirs qui se relâchent devant les liens de la vie.
Dans ce livre et sur chaque point, l’auteur offre une sorte d’abondance des preuves du grand « reset » des penseurs immobiles et fiers donc fiers leurs avancées qui ne sont que des reculs. Un tel état des lieux est une référence. Tout ici avance ouvert face à ce qui enferme et referme là où le récit autobiographique prend une force corrosive loin de logomachie. Les mots céans sont de tous les jours. Le monde binaire n’est pas là où l’on croit, pas plus que la caste des maîtres justiciers qui s’envoient en l’air dans tous les sens du terme.
Se définissant comme à contresens de son apparence, le lecteur n’a plus droit de rester coucouche panier, ni de moufter ou bouger immobile. Pas de points d’exclamation et pathos émotif pour le dire dans cette entrée des fantômes. Burgart devient le scribe non protégé d’un monde qui jusque-là n’a jamais été si peu héraclitéen. Mais grâce à sa vie, le lecteur se baigne plus dans le même fleuve ni dans d’abolis bibelots d’inanité sonore.
Ce livre est sulfureux et bien plus qu’une plainte contre x. L’auteur trouve les mots qu’il faut pour que ce livre prenne sa forme, et une conformation hors atteinte des connaissances acquises. Bref, l’auteur s’est arrogé ce droit pour lui de nature et d’intelligence, de rêve et de raison. Il est ici non regardeur d’un en deçà de lui mais un anticipateur non dystopique. Un tel flux modéré engendrant la narration et la réflexion d’une œuvre minimaliste de taille devient parfaite. Du noir et blanc de l’écriture, sa couleur nous sauve de certain(e)s qui furent, sont ou seront.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierrel Burgart, Dédale aux cloisons d’air et de temps – Post-scriptum, éditions L’une & l’autre –Sens&tonkac & cie, 2021 .