Les OVNIS du gaming

 Ouver­ture d’une nou­velle rubrique sur lelitteraire.com, par sophie bonin

Des étoiles vidéo­lu­diques de SF

Qu’on se le dise, l’univers vidéo­lu­dique décou­vert dans les années 80 par un ramas­sis de geeks anti­so­ciaux, bidouillant des lignes de code dans l’obscurité humide et froide du garage de leurs parents, est devenu, sur le saint autel du consu­mé­risme, une grande et fruc­tueuse “indus­trie du jeu vidéo”. À ce titre, voir et entendre cer­tains cri­tiques gémir et se plaindre à lon­gueur de temps que les jeux aux­quels ils jouent sont des soupes mer­can­tiles infâmes, si cela nous fait bien rire (parce qu’ils sont doués pour les gémis­se­ments humo­ris­tiques, il faut le recon­naître), n’a pour­tant rien d’étonnant. Rien de nou­veau sous le soleil radieux du Capi­tal fai­sant triom­pha­le­ment péné­trer ses ten­ta­cules dans tous les ori­fices poten­tiel­le­ment ren­tables de la vie des humains.

Ainsi domi­née par les stu­dios éti­que­tés AAA1 état­su­niens et japo­nais, l’industrie vidéo­lu­dique regorge de grosses pro­duc­tions qui font la part belle à la science-fiction. Et, para­doxa­le­ment, cela n’a rien d’étonnant non plus, si l’on consi­dère que la science-fiction est le genre le plus à même de faire voya­ger nos pauvres esprits d’humains mor­tels enchaî­nés à une morne et vio­lente réa­lité sociale domi­née par l’argent et la compétition…

Mais, parce qu’elles doivent être ren­tables, et le plus rapi­de­ment pos­sible, les grosses pro­duc­tions ne s’embarrassent pas avec un scé­na­rio tra­vaillé qui pousse à réflé­chir ou un game­play créa­tif et ori­gi­nal. Non, un bon jeu pro­duit par un stu­dio triple A doit se foca­li­ser sur l’action épique : les com­bats ! Parce qu’il faut don­ner le sen­ti­ment au gamer de ban­lieue pauvre, futur ou actuel rouage usi­nier, que lui aussi, peut être un héros… IG2. D’où résulte le deuxième objec­tif pour “un bon jeu” pro­duit par les AAA consti­tué, évi­dem­ment, par les prouesses gra­phiques qui obligent à ache­ter de meilleurs PC (ou consoles, mais bon, tout le monde sait que les vrais sont à la sou­ris et au cla­vier), et qui sont néces­saires pour en mettre plein la vue lors… des combats !

« Piew ! Piew ! Ra-ta-ta-ta-ta… BOUM ! J’ai cla­qué un Ren­de­Zook, je suis trop un super-héroooos ! Bon, faut que j’file à mon taf d’agent de production… »

Parce que les action­naires aiment pen­ser que l’éponge, qui fait bien sûr office de cer­veau chez les gamers, ne peut que se satis­faire de conte­nus visuels, comme la soif nar­cis­sique de leur égo bes­tial n’est étan­chée que par des actions de lutte et de domi­na­tion de l’adversaire, évi­dem­ment. Ainsi, les jeux vidéo sont, aux yeux des stu­dios triple A, au mieux, un entraî­ne­ment à nos rela­tions sociales fon­dées sur la com­pé­ti­tion et le culte des égoïstes impi­toyables, au pire, un défou­loir pour celui qui s’en prend plein la tronche toute la jour­née par son boss per­son­nel IRL3.

Hé bien non ! Les gamers ne sont pas tous des ado­les­cents décé­ré­brés en mal de tes­to­sté­rone qui ont besoin de trou­ver une issue com­pen­sa­toire à la vio­lence de leur future ou actuelle condi­tion d’esclaves du Capi­tal, Mes­sieurs les Gros Cons d’Actionnaires qui pour­rissent, année après année, notre monde réel, aussi bien que notre monde vidéoludique !!

Heu­reu­se­ment, il sur­vit, dans ce ter­ri­toire devenu hos­tile et dan­ge­reux, des stu­dios de déve­lop­pe­ment plus modestes, qui se sont donné comme mis­sion de réunir ces petits geeks pas­sion­nés des années 80 dans un seul et même garage humide et froid, parce qu’ils sont de vrais artistes. Donc ils sont pauvres, for­cé­ment, mais, comme ils n’ont pas encore vendu leur âme au Capi­tal, ils ont une his­toire unique et pro­fonde à racon­ter à tra­vers une expé­rience immer­sive ori­gi­nale per­mise par le jeu vidéo.

C’est pour­quoi, depuis mon garage humide et froid où je code moi-même en lettres des his­toires, je vous pré­sente dans les articles qui suivent la sélec­tion des meilleurs jeux vidéo de science-fiction réa­li­sés ces der­nières années, à mes yeux d’illustre inconnue.

sophie bonin

1 Un label éli­tiste plein de bling­bling pour atti­rer tous les regards concu­pis­cents des riches… Regardez-nous, on est AAA : on vous garan­tit que vous allez vous en foutre plein la gorge comme des oies !!

2 Acro­nyme de In Game, “dans le jeu”.

3 Acro­nyme de In Real Life, “dans la vie réelle”.

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