Christophe Dickès, Pour l’Eglise. Ce que le monde lui doit

L’héri­tage incon­tour­nable et menacé de l’Eglise catholique

L’Occi­dent connaît de nos jours une régres­sion accé­lé­rée non seule­ment de l’influence mais aussi de l’empreinte du chris­tia­nisme sur les socié­tés comme sur les indi­vi­dus. Au-delà du recul des croyances et des pra­tiques reli­gieuses, un signe ne trompe pas : l’effacement de l’histoire comme de l’héritage de l’Eglise catho­lique.
C’est contre ce constat que se dresse, avec toute la per­ti­nence et le recul de l’historien, Chris­tophe Dickès, dans un essai dense et per­cu­tant. La situa­tion lui semble d’autant plus alar­mante que “les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques elles-mêmes ont sou­haité remettre en cause ce passé par une culture de la repen­tance, entre­te­nue par une mau­vaise conscience allant jusqu’à reprendre des pon­cifs anti­clé­ri­caux.” C’est donc à l’historien de parler.

Chris­tophe Dickès, au fil des pages, rap­porte ce qui devrait être des évi­dences, et qui ne le sont plus pour bon nombre de nos contem­po­rains. Ne serait-ce que la struc­tu­ra­tion du temps, des jours, des heures par l’Eglise. En vérité, l’auteur remet en cause la lec­ture pro­gres­siste de l’histoire de notre civi­li­sa­tion , laquelle serait née quelque part entre les Lumières, 1789 et la IIIè Répu­blique. Une telle vision relève de la néga­tion pure et simple de l’histoire. Jugeons-en.

Le sys­tème sco­laire euro­péen est ainsi enfant de l’Eglise, laquelle créa dès le Moyen Age les écoles monas­tiques, pres­by­té­rales, épis­co­pales ainsi que les uni­ver­si­tés. De même, écrit l’auteur, “l’Eglise fut une ins­ti­tu­tion qui porta la science, c’est-à-dire qui la finança et sut l’encourager à par­tir de l’époque médié­vale.” Ainsi, de nom­breux clercs par­ti­ci­pèrent aux décou­vertes scien­ti­fiques, et dans des domaines dans les­quels on ne s’attend pas à les trou­ver : astro­no­mie, mathé­ma­tiques, météo­ro­lo­gie, méde­cine, etc. Et ce, pour la simple et bonne rai­son que l’étude de la créa­tion per­met­tait de mieux connaître le Créa­teur. Contrai­re­ment à l’Empire otto­man, la papauté ne condamna pas l’imprimerie, dont on trou­vait un exem­plaire à Rome même, et elle créa la pre­mière des aca­dé­mies, l’acca­de­mia dei Lin­cei.

Et que dire de son œuvre sociale, du soin apporté aux malades et aux affli­gés, dans une démarche de gra­tuité du geste envers le pro­chain et d’égale dignité des indi­vi­dus, concepts incon­nus des Romains. Et Chris­tophe Dickès de dérou­ler la lita­nie des réa­li­tés poli­tiques issues de l’héritage catho­lique : la laï­cité, la notion d’Europe, le concept de guerre juste, l’unité du genre humain, et des nations. La démo­cra­tie, rappelle-t-il, est dès l’origine pré­sente au sein de l’Eglise avec l’élection des papes, des abbés et même des évêques.
De très belles pages — et fort utiles — sur la place de la femme, seule­ment exclue des charges du clergé sécu­lier. Elles accom­pa­gnèrent le Christ jusqu’au tom­beau, par­ti­ci­pèrent à l’évangélisation, attei­gnirent la sain­teté, et furent pré­ser­vées de la répu­dia­tion et de la poly­ga­mie par le mariage chrétien.

On le voit, bien des pon­cifs et des contre-vérités héri­tées très sou­vent des Lumières sont à com­battre. C’est ce que fait ce beau et utile livre.

fre­de­ric le moal

Chris­tophe Dickès, Pour l’Eglise. Ce que le monde lui doit, Per­rin, octobre 2024, 272 p. — 16,00 €.

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