Michel Durand, Les travailleurs de la mer, d’après le chef-d’œuvre de Victor Hugo

Un tra­vail gra­phique monumental !

Les tra­vailleurs de la mer, ce livre écrit entre 1864 et 1865 est paru en France et en Bel­gique en mars 1866. Vic­tor Hugo com­pose ce roman alors qu’il est en exil à Guernesey.

À Guer­ne­sey, le Noël 1829 fut remar­quable car il a neigé. Sur une route côtière, ce matin-là, il n’y a que deux per­sonnes, un homme et une jeune fille. Ils n’ont aucun lien. Elle se retourne. Il recon­naît Déru­chette, la ravis­sante fille du pays. Elle s’arrête, puis repart. Lorsqu’il arrive, il lit Gil­liatt, écrit dans la neige. C’est son nom à lui.
Il n’est pas aimé dans sa paroisse, on lui prête une répu­ta­tion de sor­cier. Selon les filles, il est laid. Son métier l’a buriné et il paraît quarante-cinq ans quand il n’en n’a que trente. Déru­chette est éle­vée par son oncle. Celui-ci est l’armateur de La Durande, le seul navire à vapeur de toute la région. Aussi, quand son capi­taine, auteur d’une escro­que­rie, l’échoue entre les deux rochers de l’écueil Douvres, il est déses­péré. Il pro­met la main de sa nièce à qui lui rap­por­tera le moteur, la pièce essen­tielle de ce type de bateau.
Gil­liatt, depuis sa lec­ture, a épié la jeune fille et en est tombé amou­reux. Il voit la pos­si­bi­lité de l’épouser et décide de rame­ner cette énorme pièce, mais…

Ce roman est écrit par un Vic­tor Hugo qui pense ne jamais pou­voir retour­ner en France. De plus, il a perdu sa fille tant aimé, Léo­pol­dine, morte noyée en sep­tembre 1843 à l’âge de 19 ans. Il ne se remet­tra jamais de ce drame. Il place son récit sous le signe de la fata­lité mais traite du pro­grès tech­nique et de l’ingéniosité humaine. Il s’appuie sur une lutte ter­rible entre l’homme et les élé­ments marins, témoin, depuis son habi­ta­tion de Hau­te­ville House, des fureurs de l’Atlantique.
À la fois conte et drame héroïque, l’histoire de Gil­liatt bou­le­verse par sa conclu­sion. Ce héros, un homme rejeté par son entou­rage, pos­sède une capa­cité à s’opposer aux élé­ments déchaî­nés, à faire face à toutes les défis, à bra­ver les dan­gers tapis dans les pro­fon­deurs. Il bataille contre la nature en furie, à l’image du roman­cier forcé à l’exil mais qui lutte, avec les moyens à sa dis­po­si­tion, contre ceux qui l’ont amené dans cette situa­tion.
Michel Durand reprend ce texte fabu­leux et en tire toute la quin­tes­sence, lais­sant à ses planches le soin de rem­pla­cer les nom­breuses des­crip­tions pro­po­sées par Hugo.

À par­tir de la page blanche, avec une mul­ti­tude de hachures plus ou moins appuyées, plus ou moins denses, il res­ti­tue la gran­deur de la nature, la force des élé­ments, l’arrivée des machines. Il met en scène ce qui paraît des monstres, qu’ils soient méca­niques ou natu­rels. Il campe, de la même manière une suite de per­son­nages iden­ti­fiables au pre­mier coup d’œil, en fait res­sen­tir les émo­tions, les pen­sées et leur donne une ges­tuelle tout à fait appro­priée.
Il ajuste ses traits, les accole, les dis­pose, les den­si­fie, jusqu’à créer une véri­table image qui sur­git de la planche. Il offre ainsi, des pers­pec­tives pro­di­gieuses tant pour l’océan que pour les actions humaines.

Cet album est d’une beauté épous­tou­flante tant par son texte que par ce gra­phisme tita­nesque. Avec cet album glissé sous les sapins de Christ­mas, c’est l’assurance de faire un énorme plaisir.

serge per­raud

Michel Durand (adap­ta­tion du roman de Vic­tor Hugo, des­sin en noir et blanc), Les tra­vailleurs de la mer, Glé­nat, coll. “Hors Col­lec­tion”, octobre 2024, 152 p. — 35,00 €.

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