Emilio Ruiz & Ana Miralles, Ava – Quarante-huit heures dans la vie d’Ava Gardner

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Le portrait réaliste d’une icône

Ava Gardner est une fille du Sud qui a passé son enfance pieds nus dans les champs de coton de la ferme familiale. Mais lorsque les pontes de la Metro Goldwyn Meyer la remarquent, elle devient vite une déesse, concentrant tous les qualificatifs relatifs à la beauté féminine. Tous veulent tourner avec elle, que ce soient les réalisateurs et les acteurs.
C’est Joseph Mankiewicz qui va la propulser au-dessus du firmament avec La Comtesse aux pieds nus. Ce film fait naître les éloges les plus dithyrambiques. C’est ce moment que retient Emilio Ruiz pour son scénario, pour raconter quarante-huit heures dans la vie d’Ava Gardner, quand elle vient présenter son film à Rio de Janeiro.

Une affiche géante, sur une grande avenue de Rio annonce A Condesssa Descalça avec Humphrey Bogard et Ava Gardner (notez que son nom arrive en second à la lecture de l’affiche !). Ce 7 septembre 1954, Souto, un journaliste brésilien, organise la venue de la star. Elle voyage avec son agent et sa fidèle gouvernante. Dans l’avion, elle répond à une interview regrettant que ses paroles soient parfois dévoyées.
C’est l’arrivée, la foule compacte qui bloque l’escalier mobile. Elle débute la promotion du film mais une suite d’événements vont faire basculer son programme, la mettant en difficulté ainsi que son entourage…

Emilio dresse le portrait d’une femme libre, un portrait intime d’une femme victime de sa beauté, de son succès. Il révèle les failles de l’actrice, harcelée par les hommes et par une presse intrusive, avide de scandales. Il installe un climat éprouvant pour la jeune femme qui doit faire face à un public avide de la voir, l’approcher. Elle doit paraître, répondre à toutes les sollicitations alors qu’elle aspire à d’autres activités.
Elle est en butte à la concupiscence des hommes, la jalousie de ceux qui ont pu partager sa vie quelques temps comme Howard Hugues, ce milliardaire qui la fait espionner partout où elle va, voulant être informé de ses faits et gestes. C’est Frank Sinatra, de qui elle divorce, qui la harcèle au téléphone et qui menace de se suicider. C’est la presse qui veut du sensationnel et qui exploite le moindre incident. Le scénario propose le quotidien, le carcan et les obligations liés au vedettariat. Mais il pose un portrait d’une personne ordinaire dans ses gestes de tous les jours. Une telle icone mange, dort, a besoin de se reposer de souffler un peu.

Qui d’autre qu’Ana Miralles pouvait mettre en images cette histoire ? Son dessin, ses aquarelles rendent un hommage à cette femme. Elle traduit ses états d’âmes, ses émotions et sait rendre la beauté, dans toutes les situations, du plus bel animal du monde comme l’a qualifiée Jean Cocteau. Elle la montre qui fume (beaucoup) qui boit de l’alcool (pas mal), qui veut vivre sa vie. Sa beauté transparaît dans les planches. Elle installe des décors documentés et sait faire vivre de belle manière l’ensemble des personnages.

Cet album éclaire ce que peut être la vie de ces stars, une vie si enviée par une multitude d’individus mais qui est si contraignante. Un album remarquable par le traitement de son contenu et par ce graphisme exceptionnel.

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serge perraud

Emilio Ruiz (scénario) & Ana Miralles (dessin et couleurs), Ava – Quarante-huit heures dans la vie d’Ava Gardner, Dargaud, octobre 2024, 112 p. – 22,50 €.

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