Monstre vont
Les derniers grands dessins de Mylène Besson questionnent la notion du devenir autre dans les relations que l’on tisse avec les mondes. Sur le papier froissé elle cherche avec du fusain, du pastel, de la pierre noire, à faire tenir ensemble des êtres du rêve et de la réalité. L’artiste s’amuse d’héroïnes animalières dont la vie devient, se déplie en ces formats.
L’art devient un dystopie pour assouvir à la présence telles entités science-fictionnelles. Metteuse en situations, elle évite de s’embourber dans les nébulosités d’une métaphysique douteuse. Elle ménage dans chaque femme des errements ou des « oublis », des intransigeances, des adjonctions et des omissions. Ce travail devient alors le miroir brisé du simulacre, sa vision moins remisée plus que son aveu contrarié.
Rappelons qu’avant même et après la peinture au début comme à la fin de la Terre, il y a eu et il y aura l’animal. Est-ce à dire que chacun nous est fait à son image? Sans doute. Il convient donc d’entrer dans leur colimaçon, ailes et carapaces. Les femmes s’y débattent non sans ambiguïté même si les voyeurs l’ignorent. Mais nous préférons souvent l’impureté de leur présence à la caserne de leur prétendue pureté. Bref, passons donc du paroxysme de l’idéal à l’abîme du gastéropode ou de “la” crocodile.
Dans les dessins de Mylène Besson, les animaux glissent vers le tronc de nos heures. Ils incarnent une mémoire primitive et aussi le futur puisque leurs créations laissent une trace, une hantise. Ils appâtent notre inconscient, le concentrent. Ils rappellent qu’on n’est rien, à personne que ces monstres.
Notre paquet de viande et de nerfs n’est face à eux qu’une masse visqueuse et il n’est pas jusqu’à notre sexualité à se lier avec ces pléonasmes de bestiaux paisibles, durs et mous qui deviennent notre monde intestinal. Il permet de montrer ce qui fait notre débauche paisible, notre pusillanimité voire notre absence de vertu là où des ventouses de mollusques nous arrachent à l’erreur mystique.
jean-paul gavard-perret
Mylène Besson, On rêve debout, Orangerie de Cachan, du 22 novembre 2024 au 18 janvier 2025.