Jehan van Langhenhoven, Nora (puzzle de littérature et de mort)

Parler au fantôme

Jehan van Lan­ghen­ho­ven le sait : il aurait « pu aisé­ment obte­nir non le Gon­court, par trop banal, mais évi­dem­ment le Nobel pour, pied au plan­cher, cerné de femmes superbes », voire plus : « tout droit filer vers la gloire avant de bien­tôt m’éclater contre un pla­tane poussé là dans le seul but de m’empêcher de vieillir ». Mais il tri­cote ici un pré­sent et un futur plu­tôt qu’un passé qui aurait été plus salu­taire. Qu’à cela ne tienne !

S’épar­gnant d’enfiler la « peau étri­quée, vis­queuse de quelque pseudo-théoricien d’avant-garde », le déso­pi­lant se pré­sente comme Nicki Bell­moor, repor­ter au « Sen­sa­tio­nel ». Fan­tôme masse des bis­trots, il a sa Nora (encore plus que gri­voise que celle de Joyce) dont le pré­nom est celui de l’héroïne de La Mai­son de pou­pées mais plus dodue et experte : «fesses rondes et mains d’une élé­gance folle ».
Son amant n’est en rien (ou pas trop) nécro­phile car il n’est pas prêt à deve­nir cadavre pour se rai­dir. Le stupre et la for­ni­ca­tion fonc­tionnent comme indé­niable meur­trier de jeu­nesse. Le tout dans un mixage astu­cieux entre repor­tage de métier et faune inexo­rable. Bour­reau, vic­time men­teur fieffé, il reste aven­tu­rier, pour le moindre pré­texte. Bref, sa far­cis­sure est d’un far­ceur en évi­tant de peu un livre éro­tique mais à sa façon et qui plus est avec orthographe.

Spécia­liste des effeuillages de mar­gue­rites et du rire, tout est bon dans un tel théâtre ou cinéma – les deux de boules avares — tou­te­fois en lan­gueurs érup­tives et hilares. C’est ras­su­rant et hale­tant là où un homme face à une moindre Sarah bande. Que deman­der de plus ? Jehan van Lan­ghen­ho­ven pro­pose une prose tor­ren­tielle, défer­lante comme les traces de pein­ture d’un Jack­son Pol­lock. Mais sans abs­trac­tion.
Certes, existe là une ode nécro­lo­gique à Nora. Mais en son verbe post-mortem, elle reste pétrie de gro­gne­ments lubriques bien plus sophis­ti­qués que de sibyl­lines por­no­gra­phies de cavernes. Dès lors, cet Esto Memor devient une fatra­sie géni(t)ale pour conju­guer dif­fé­rents temps et modes d’une telle com­bi­nai­son et de tant de « com­bi­na­zione ». Plon­geant sa plume d’oiseau de proie, son héros devient son ptopre pro­cu­reur, his­toire d’offrir du cœur à la pein­ture bleue pour don­ner à cari­ca­tu­rer — à des seins — une saveur « d’éthernité » aux faims jamais épui­sées. Bon appé­tit, lec­trices et lecteurs.

Jean-paul gavard-perret

Jehan van Lan­ghen­ho­ven, Nora — (puzzle de lit­té­ra­ture et de mort), édi­tions Douro, Chau­mont, 2024, 110 p.

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Filed under Chapeau bas, Erotisme, Romans

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