Laurent Dandrieu, Le Roi et l’Arlequin. Louis XIV, Molière et le théâtre du pouvoir

Histoire d’une amitié

C’est un livre par­ti­cu­liè­re­ment déli­cieux qu’il nous est offert de lire. Par cette étude des rela­tions entre Louis XIV et Molière, Laurent Dan­drieu, de sa plume élé­gante et sub­tile, nous conduit à l’aube du Grand Siècle, dans ce moment si par­ti­cu­lier où Louis XIV s’empare du pou­voir per­son­nel pour ne plus le lâcher, dans ce monde baroque “qui est celui du jeune roi, où l’apparence est un masque qui révèle la vérité, le théâtre une construc­tion savante qui exprime avec une par­ti­cu­lière net­teté ce que la réa­lité désor­don­née ne sau­rait dire avec autant de pré­ci­sion.” D’où l’importance cru­ciale du théâtre.

Car c’est là le cœur du sujet : cette scène sur laquelle monte le sou­ve­rain pour se don­ner en spec­tacle, se pla­cer au centre du jeu et des regards, au ser­vice, affirme-t-il, de ce qui lui est le plus pré­cieux, “sa gloire”. Laurent Dan­drieu trace un por­trait tout en sub­ti­lité de la per­son­na­lité du Roi Soleil, que l’on croit bien connaître: un homme en réa­lité empreint de timi­dité, et qui a dû la sur­mon­ter pour faire son métier de roi ; un monarque fami­lier avec ses valets, affable et sou­riant dans l’intimité, avant de revê­tir son armure de froi­deur et de gran­deur en public ; un roi secret qui aimait rire au théâtre.
C’est alors que Molière entre en scène, dont l’auteur retrace le par­cours fami­lial et pro­fes­sion­nel en insis­tant bien sur sa proxi­mité avec Louis XIV du fait de sa charge de valet tapis­sier, tout sauf subal­terne. L’Ancien Régime était en fait bien plus com­plexe que l’image don­née par les cari­ca­tures républicaines.

Ainsi naquit ce que Laurent Dan­drieu n’hésite pas à qua­li­fier d’amitié entre les deux hommes, l’un, auteur et comé­dien “à faire rire les pierres”, qui sut plaire au roi sans fla­gor­ne­rie ; l’autre, sou­ve­rain le plus puis­sant d’Europe, qui lui accorda son estime et sa pro­tec­tion quand la tem­pête se déchaîna contre la sup­po­sée impiété de l’auteur de Tar­tuffe. Ami­tié qui résista aux intrigues et aux attaques. Plus que l’intérêt réci­proque entre eux. Une estime personnelle.

Un très beau livre qui nous conduit dans l’univers du théâtre, de la vie pari­sienne, de la Cour et des grands, dans cette France du XVIIème siècle sur lequel se levait le Soleil louis-quartorzien.

fre­de­ric le moal

Laurent Dan­drieu, Le Roi et l’Arlequin. Louis XIV, Molière et le théâtre du pou­voir, Artège, sep­tembre 2024, 204 p. — 17,90 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>