Juste quelques notes de guitare, et l’adresse au lecteur devient harangue du public. On commence par la “substantifique moëlle” qui, au lieu de renvoyer à une notion académique, conduit à montrer l’avidité d’un carnassier en train de se repaître de son butin. Le propos n’est pas vraiment narratif ; mais la polarisation autour du personnage boulimique et généreux de Gargantua permet d’exprimer la valeur de l’existence, de célébrer le festin de la vie.
Le récit est truffé d’énumérations qui constituent une image verbale de l’appétit vorace de la famille Grandgousier. Il s’agit de remettre en cause les mesures, qui sont des limites sclérosantes, du discours scolastique.
La démarche, ironique, se nourrit d’hyperboles qui sont des manières de souligner la diversité, le goût chatoyant et la valeur des choses. Le contraste entre la trivialité, la grivoiserie, pour ne pas dire la grossièreté du propos et son intention généreuse et humaniste procède de l’acceptation joyeuse de ce qui est. La mise en scène est simple et bien sentie ; Pierre-Olivier Mornas incarne avec brio et délectation la diversité des personnages, figurant par quelques mimes les contrastes, en caricaturant rapidement Thubal Holoferne et Ponocrates, les deux précepteurs successifs de Gargantua.
Le spectacle, qui présente les passages les plus connus de l’œuvre de Rabelais, se révèle réussi, dynamique ; il rend avec efficacité la verve truculente de l’auteur.
christophe giolito
Gargantua
de François Rabelais
Mise en scène Anne Bourgeois
Adapté et interprété par Pierre-Olivier Mornas
Lumières François Loiseau ; musique et sons François Peyrony ; photographies Alejandro Guerrero.
Au théâtre de Poche Montparnasse
Du mardi au samedi 19h, dimanche 15h, durée 1h10.
Renseignements et réservations au 01 45 44 50 21