Sara Salar, Je me suis probablement perdue

De force et de gré

Dans un tel roman, avec sa nar­ra­trice — jeune Ira­nienne de la classe moyenne — et une de ses ancienne amies que tout lui oppose, nous sommes plon­gés dans Téhé­ran, son quo­ti­dien, ses ten­sions et aussi des drames. Une telle exis­tence, c’est sou­vent inven­ter les bras de l’autre et son abîme. C’est aussi inven­ter des bras pour qui nager en sau­vant son abîme à soi.
Cette fic­tion (réa­liste) per­met d’ouvrir la sur­face d’une telle exis­tence et ses embûches mais où il s’agit de tenir. La tête de la nar­ra­trice contient l’agrandisseur de cette ville et ses divi­sions. Enduit de ce réel, cette femme ne se laisse pas choir et reste intacte mal­gré les risques de se perdre dans cette société qui elle-même tombe à la renverse.

Une sorte de pont noir est soudé à sa marche fon­dée dans un tel main­te­nant. L’héroïne scrute quelque ennemi qui serait à bri­ser ou à reje­ter. Il s’agit de tenir debout même si la perte veille sous des dos­siers ouverts entre cer­taines mains. Tou­te­fois, un che­min avance vers le rien de l’aujourd’hui . C’est comme quelqu’un qui est sans y être mais qui com­prend ce qui se passe.
Un pos­sible se veut tou­te­fois dans ce qui s’écrit en des suites de com­bi­nai­sons et par­fois une sorte de capi­ton. Si bien qu’un silence prend plein de voix grâce Sara Sahar, d’abord mar­quée par la pau­vreté et les conflits sociaux mais qui a étu­dié le lit­té­ra­ture anglaise jusqu’à deve­nir tra­duc­trice. Ici, l’air de Téhé­ran est chose close : nulle béa­ti­tude de terre divine ne charme l’esprit d’une nar­ra­trice en com­bat face aux ensor­ce­lés là où s’étale toute sa pen­sée au fil du temps : elle mou­tonne en fai­sant la roue et le silence face à cha­cun de ses pas et dépla­ce­ments où tout ce qu’elle agit voire pense risque d’être bâillonné.

L’épi­taphe fonde bien des espoirs face aux pos­sibles égor­ge­ments où s’agglutinent les mouches. Il faut ima­gi­ner mieux et ne pas s’incliner vers quelqu’un qui vou­drait tuer en milieu des rues pleine où cha­cun est guetté. Reste mal­gré tout une pré­sence féconde pen­chée sur les toits et le ciel en un tel lieu où le cou­teau rou­git. C’est une image qui vient à pro­pos d’une telle his­toire de femme. Si bien que ce roman éventre celle-là sans que peut-être des femmes ne retirent plus le rouge à lèvres. Là où la fic­tion est aussi ano­dine d’apparence que ter­rible et nue.

jean-paul gavard-perret

Sara Salar, Je me suis pro­ba­ble­ment per­due, tra­duit du farsi par Sébas­tien Jal­laud, des femmes – Antoi­nette Fouque, Paris, 2024, 144 p. — 15,00 €.

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