Elizabeth Prouvost ou le sens sérieux de la dérision – entretien avec l’artiste

Tout est cou­leur dans le monde moderne ” rap­pe­lait Miche­lan­gelo Anto­nioni. Mais c’est bien jus­te­ment parce que le monde est en cou­leurs qu’Elizabeth Prou­vost, le co-auteur de Dérives avec Claude-Louis Com­bet,  choi­sit de pho­to­gra­phier en noir et blanc. Ce parti-pris du noir et blanc n’affirme pas un retour nos­tal­gique vers une époque révo­lue de son art. Il n’offre plus le miroir d’une colo­ra­tion défor­mante par faux-effet de réel. Néan­moins, si pour Eli­za­beth tout aspire soit au noir et au blanc le plus sombre, il ne s’agit pas de plon­ger l’homme dans le mor­bide mais de mon­trer en quoi  les autres cou­leurs trans­pirent et narrent une his­toire qui ne convient pas : le sup­plé­ment de réa­lisme qu’elles feignent d’octroyer à l’image ne peut satis­faire une créa­trice avide de tou­cher les lieux impé­né­trables de l’être.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Je me lève très tôt pour me consa­crer à une heure ou deux de lec­ture, c’est un moment pri­vi­lé­gié, source de mon tra­vail pho­to­gra­phique, et un grand bon­heur, c’est indispensable.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je n’ai jamais eu de rêves d’enfant, la vie me parais­sait très « impossible».

A quoi avez-vous renoncé ?
A rien, j’ai tout gagné au centuple.

D’où venez-vous ?
D’un pays ima­gi­naire où les humains sont libres et clairvoyants.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un sérieux sens de la dérision.

Qu’avez vous dû “pla­quer” pour votre tra­vail ?
Une vie terne.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
J’essaie que tout soit plaisir.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
J’aimerais que mes œuvres soient vues dans la pénombre.

Quelle fut l’image pre­mière qui esthé­ti­que­ment vous inter­pela ?
Un tableau de Fran­cis Bacon.

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Edwarda « de Georges Bataille

Com­ment pourriez-vous défi­nir votre tra­vail sur les jeux de lumière ?
Une forme qui daigne sor­tir de La Ténèbre.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Jean-Sébastien Bach

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Au des­sous du vol­can » de Mal­colm Lowry.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Hugo Cabret » de Mar­tin Scorsese.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Alice au pays des merveilles.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au Père Noël.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le cra­tère du Strom­boli très, très près de la bouche de la terre .

Quels sont les artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Fran­cis Bacon.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un des­sin d’Alfred Kubin.

Que défendez-vous ?
La sou­ve­rai­neté de l’être

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
La passion.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?”
L’infini.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Que repré­sen­te­rait pour vous le non-désir ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 mars 2014.

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