Peu montrée en France, Lisetta Carmi a proposé une histoire de la photographie. Son langage photographique est clair, tranchant et lucide. Elle avait la capacité naturelle et instinctive d’être toujours au bon endroit et au bon moment. Partout elle avait la volonté de construire un monde nouveau, basé sur l’intelligence et la reconnaissance des libertés individuelles, son objectif était de témoigner.
Née à Gênes en 1924, Lisetta Carmi se consacra depuis 1960 à la photographie en travaillant en freelance. En 1964, elle mène une enquête approfondie dans le port de Gênes sur les dockers. En 1965, elle commence à photographier des travestis. Ce travail aboutit au livre I travesti avec un texte d’Elvio Fachinelli (1972). Elle réalisa différents reportages dont celui du métro parisien et parmi ses livres, Acque di Sicilia, avec un texte de Leonardo Sciascia.
A Andrea Bellini, la photographe précisait : « je ne souhaite pas être connue uniquement pour ma série sur les travestis, travail fait avec passion et amitié, alors que je parcourais le monde avec grand intérêt, en donnant toujours la parole à ceux qui n’ont pas le droit de parler, à ceux qui sont écrasés par le pouvoir économique et politique ». Lisetta Carmi mit un terme à sa carrière de photographe en 1979. Elle se retira alors à Cisternino, dans la région des Pouilles.
Elle reste célèbre aussi par Erotismo e autoritarismo a Staglieno (1966), sur le cimetière monumental du quartier génois de Staglieno. Elle est également l’autrice des douze portraits célèbres du poète Ezra Pound, et a réalisé ceux de Lucio Fontana, Leonardo Sciascia, Edoardo Sanguineti, Alberto Arbasino, Sylvano Bussotti et Jacques Lacan.
I travestiti, de par son importance et son travail inédit de documentation sur la communauté LGBT italienne, occulte trop souvent encore un ensemble photographique magistral dont le trait commun passe par l’honnêteté du regard et l’empathie.
jean-paul gavard-perret
Lisetta Carmi, La bellezza della verità, Giovanni Battista Martini, préface de Silvana Bonfili, Postcart edizioni, Roma, 2024, 120 p. — 58,00 €.