Un exercice d’école encore inaccompli
Des dialogues spontanés, cocasses, impromptus, installent le mythe d’Orphée dans la vie quotidienne, au risque de le désacraliser. Orphée et Eurydice sont soumis à des parents omniprésents et tyranniques ; leur amour constitue comme une parenthèse heureuse dans l’accomplissement incessant de leurs obligations. Des répliques parfois savoureuses, soulignant les paradoxes des rencontres fortuites, des personnages mystérieux, dont l’agent d’outre-tombe, tout cela s’inscrit dans une scénographie sobre, qui cherche à mettre en valeur les acteurs. Le propos perd toute dimension mythique, au profit d’une ironie sarcastique à l’égard des choses de l’amour. De la sorte, on ne sait trop si on a affaire à une tragédie réactualisée ou à une comédie.
C’est que les comédiens ne portent pas le texte iconoclaste d’Anouilh, ils s’en tiennent à des postures. Ainsi d’Eurydice, un temps émouvante et bien campée dans son effronterie, mais monolithique et finalement sans conviction. Sam Richez ne parvient pas à donner consistance au rôle d’Orphée. La troupe, trop légère, n’est pas sauvée par la prestation pourtant honorable de ses vétérans, dont Jean-Laurent Cochet. Cette mise en scène (co-signée par l’élève et par son maître) destinée sans doute à constituer un passage de relai entre générations, s’avère contre-productive. Elle ne parvient pas à emporter l’adhésion d’un public en mal de nuances, de subtilité d’interprétation. Elle ne tient pas ses promesses et demeure un exercice d’école encore inaccompli.
Christophe Giolito
EURYDICE
de Jean Anouilh
Mise en scène : Jean-Laurent COCHET / Sam RICHEZ
Avec : Jean-Laurent Cochet (le père) ; Fabrice Delorme (le garçon du buffet) ; Maryse Flaquet (la belle caissière) ; Catherine Griffoni (la mère) ; Pierre Ensergueix (le secrétaire du commissaire) ; Jean-Claude Eskenazi (Dulac) ; Anthony Henrot (le chauffeur d’autocar) ; Jacque Ibranosyan (le petit régisseur) ; Norah Lehembre (Eurydice) ; Jean-Pierre Leroux (Vincent) ; Julien Morin (Mathias) ; François Pouron (le garçon d’hôtel) ; Sam Richez (Orphée) ; Vincent Simon (M. Henri).
Interprétation au violon : Anne-Marie de Bisgisson
Production La Compagnie Sam Richez, Nouvelle Scène, Média TV, en coréalisation avec le Théâtre 14. Lumières : Enzo Bodo. Au Théâtre 14, 20, avenue Marc Sangnier, 75014 Paris, du 7 janvier au 22 février 2014, les mardis, vendredis et samedis à 20 h 30 — mercredis et jeudis à 19 h, matinée samedi 16 h — relâche : dimanche et lundi ; réservations 01 45 45 49 77 ; www.theatre14.fr
Le spectacle a été créé en novembre 2012 à l’Auguste Théâtre, avec les mêmes comédiens.
Le texte de la pièce est disponible par exemple en collection « Folio », Gallimard, 1980.