L’ambition de Laure Couraige est complexe. Accompagné de Gaia son héroïne-narratrice, son roman navigue dans le monde de l’Afghanistan, à New-York et Paris. Le vie va donc devenir galopante d’autant que la narratrice – quoique toujours vive et ironique – éprouve sa propre difficulté dans l’existence.
Certes, quittant les troupes américaines qui se retirent d’Afghanistan, son objectif est de changer pays, ton et registre en optant pour une existence légère et joyeuse, comme celle qu’elle voudrait raconter dans le livre qu’elle n’a pas encore écrit. Mais d’une certaine manière, le pari est jouer par une telle torsion de volonté et de stratégie. En effet, je est un autre par et pour Laure Gouraige née en 1988 à Paris, diplômée de philosophie et spécialiste de Guillaume d’Ockham. Le livre rappelle ça et là quelques éléments de La Fille du père son premier roman.
Son héroïne en a un. Il se convertit au judaïsme, commente inlassablement Joyce ou Hegel et surtout, tel un boulet, il assomme sa fille de recommandations et d’avis péremptoires. Sa mère en ajoute une cuillère. Mais dans New York l’objet est d’envisager un livre sans se préoccuper de romantisme. Cela se complique toutefois. Pour une des raisons qui arrivent, l’amour est d’abord « caoutchouteux ». C’est une sorte de combinaison de plongeuse car il colle à la peau.
Cela entraîne néanmoins des déplacements et des hésitations : de l’Amérique à l’Asie l’Europe arrive à Paris où, aimant aidant, la voici journaliste de mode pendant la « fashion-week » et d’autres soirées. De facto, petite fille riche héritière de certains modèles de Woody Allen, elle se dit spécialiste et se prétend d’abord tout sauf futile. Au gré de ses amies et lubies, elle flotte de sa légèreté d’abord mal acceptée mais qui fait son blason. En dépit de finesses d’ironie et d’observation, le livre fond lui-même dans l’inutile. D’autant que pour une telle héroïne la littérature reste une pure vision d’esprit. Pour la créatrice, elle devient sa parodie.
jean-paul gavard-perret
Laure Gouraige, Le livre que je n’ai pas écrit, P.O.L éditeur, Paris, août 2024, 416 p. – 22, 00 €.