Ce roman — poétique dans son écriture méditative tout en n’allant jamais dans “les choses à dire” — crée un romanesque particulier et qui émeut. Certes, on peut y penser que, dans cette famille juive, parfois la croix (pour un catholique par approbation) est une mère, de celle selon Groddeck, dont « nous mourons tous de nos mères ».
Mais avec Abigail Assor son talent renverse cet état de fait. Elle explore les failles d’une famille face à un frère trop aimé et pas comme les autres. A savoir, un frère atteint de la folie qui plus est, en son cas, dangereuse et presque meurtrière..
Avec ce deuxième roman, l’auteure trouve une puissance rare et presque terreur et apogée. A-t-elle résisté aux envoûtements du frère ? Finalement il «étend» celle qui a tout fait pour lui mais, à l’opposée diamétral, il a osé — sans s’en rendre compte dans sa nuit de l’être — ce qui est arrivé et s’est répété. Et ce, avec force de détails. .
Les modes de vie imprimées par le lien familial sont patriarcaux même si, parfois le plus souvent, la parole des mères est prescriptive. “La Mère” est le nom d’un nœud de manière (voire de vipère… ) d’être, de penser, de parler, d’écrire : mais la régulation quotidienne est altérée par le “ressemblant” du sujet de la narratrice…
Celle-ci avec sa précision descriptive plonge au sein de l’habitus tribal dans l’opacité du monstre. La narratrice subit une épreuve par amour mais, en son cas, jamais elle n’est jamais commandée par les intentions de l’enfer. Elle veut garantir à qui elle s’adresse une possibilité de vie d’autant qu’elle reste partagée et partageuse, socialement intégrée, cadrée par le bon sens, vouée à des causes justes.
Elle doit cependant subir ce qu’elle-même ne juge pas. Elle dit avec force mais aussi surenchère homéopathique son acharnement afin de montrer/cacher qui sont les personnages d’une telle histoire. Toutefois, elle finit par déclarer qui elle est. Mais ce frère nocturne aussi. Elle l’aime trop. La folie n’est pas passagère, mais la survie arrive.
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jean-paul gavard-perret
Abigail Assor, La nuit de David, Gallimard, collection Blanche, août 2024, 186 p. — 19,50 €.
Abigail , belle et intelligente , développe la NUIT de David comme un boléro de Ravel . Réitérations , approfondissements , imagination dans la schizophrénie de David . Gallimard a vu juste après ” Vies minuscules ” de Pierre Michon JPGP aussi .