Poète mais aussi romancier, Giuseppe Conte dans cette fiction historique ramène à l’utopie sanglante de la Révolution Française. Mais les acteurs sont bien loin de Paris dans une rébellion contre l’esclavagisme en une suite rêvée d’une république libre, qui unirait les races et les peuples et appliquerait un code d’égalité.
Dans ce contexte, traducteur de D.H. Lawrence et admirateur de Conrad et Melville, Giuseppe Conte décrit les rapports humains au gré des amitiés passionnelles entre hommes ou des désirs impérieux pour les femmes. Mais prime surtout la soif de justice sociale contre toute forme de racisme.
Existe dans cette histoire un conte édifiant. Avec certes luttes, aventures mais aussi un soupçon de Manzoni version altérée des “Promessi Sposi”. Le récit, dans la description de sentiments violents, laisse au-delà des idées, poindre un secret, longtemps retenu qui mine la figure solaire de Floriano. Il renonce à son grade militaire, pour des raisons qu’il ne veut pas dire. Son engagement dans la marine marchande est le moyen de cacher encore plus ce qui le hante.
Rétif à toute vénération et refusant ou contestant des dogmes, Floriano reste un être particulier, presque hors histoire. A sa manière, il incarne un mythe de l’amour par son auteur. Il lui donnera sa clé lorsque le héros avouera près de la fin :“Lorsque je sus tout, j’aurais pu décider d’éloigner de moi son image (…) Je ne lui retirai donc pas une once de mon amour, et je continuai à vénérer sa mémoire ».
C’est là la preuve que, chez Conte, l’émotion est plus forte que l’Histoire. Son style et sa facture réencordent en un tel genre là où l’enfer côtoie un paradis.
jean-paul gavard-perret
Giuseppe Conte, Le Troisème Officier (Il Terzo Ufficiale), traduit de l’italien par Monique Baccelli, éd. Laurence Teper, 2024, 384 p. — 20,00 €.