A côté de “Tel Quel”, “TXT”, “Change” (entre autres) Henri Poncet a tenu jusqu’à sa disparition la revue “Actuels” avec son collectif. Quittant Paris (et la galerie L’Ollave) pour les deux Savoie (à Chambéry il créa Comp’Act et Act-Mem), cet homme a ouvert bien des voies.
Dans l’histoire littéraire, on a dit parfois illisible Actuels. A cette époque, il s’efforça d’inventer des formes et de trouver une langue et plus exactement de verbaliser autrement les expériences que le collectif se faisait du monde, de la politique et l’intimité.
Certes, il ne s’agissait donc pas d’une question strictement formelle, mais le revue a incarné en un mode nouveau un “change” (Jean-Pierre Faye) éternel d’elle-même et en elle-même. Les auteurs, via la doxa de Poncet, ne cédèrent pas aux gestes d’intimidation qui voudraient récuser l’invention écrite au prétexte de sa difficulté. Mais pour le souci de Patrick Laupin, Poncet et Rottenberg entre autres, les critères d’illisibilité furent déplacés pour recouvrir des expériences très diverses. Dire que certains textes furent ardus, c’est rappeler une densité impénétrable, une opacité voulue du sens sans caresser un hermétisme ou un ésotérisme délibérés.
Le texte “Ce qui arrive” de Poncet fit par exemple refluer le pathos organique sans récuser une refonte “monstrueuse” (Prigent serait ravi) en pointant de grandes irrégularités de langage. Reste hélas à regretter l’éloignement de cette revue (faute d’argent). Mais ses états de la langue n’ont rien de périmés. Ces textes, sous l’effet de la patine de l’histoire de la littérature, restent “Actuels” s’il en est. Ils sont d’ailleurs déjà des parangons du classique dans leur distorsion des habitudes d’un public à une époque donnée.
jean-paul gavard-perret
Jean-Claude Annezer,Un travail de lecture productive, L’Ollave, éditeur Collection Préoccupations, Préface de Julien Hage, Postface de Dominique Lahary, Présence de Pierre Rottenberg par Patrick Laupin , 92 p. — 15,00 €.