Isa Sator propose une peinture réactive fondée sur une panoplie d’émotions de diverses natures au sein d’un même tableau : envie, souffrance, passion, dégoût, richesse, pauvreté s’emmêlent sans aucun didactisme. Juste dans les fragrances des traits aussi violents que les couleurs, il n’est pas besoin de grille de lecture : il suffit de regarder – mais avec attention. L’explicite est là pour qui veut cet effort.
Mais comment ne pas regarder des toiles qui nous arrachent à l’indifférence généralisée ? Nous sommes soudain obligés de prêter notre regard aux images d’Isa Sator : le plaisir n’est pas plus la spécificité d’un organe que d’un corps : il envahit le volume pictural. La sensualité y circule et l’image explose.
Ce que nous contemplions provient de la vision de l’artiste. S’y découvre une corporalité variable. Les organes doivent leur poussée à la circulation des lignes et des couleurs. L’air est contaminé par leurs tourbillons. L’artiste le solidifie et donne à étreindre le secret des formes qu’il ne s’agit plus seulement de caresser. L’art de la représentation se métamorphose en re-présentation.
La peinture met devant nos yeux une atmosphère à travers laquelle nous n’avions encore jamais regardé ou si peu. Cette atmosphère est la jeunesse du regard et sa gravité, leur perpétuel retour.
Isa Sator, en exposant la souillure que la société du spectacle impose, nous libère de la clôture et nous ouvre à l’espace illimité. Il faut reconnaître à l’artiste la puissance de souffler cette libération spatiale et colorée dans la partie considérée comme la plus lourde et la plus fermée de nous-même : la chair exacerbée.
jean-paul gavard-perret
Isa Sator, La palette magique, Cabinet Elisabeth Oster, 6 avenue Mac Mahon, 75017 Paris, de juillet à septembre 2024.