Matthieu Mensch, Les femmes de Louis XVIII

Louis XVIII et les femmes ! 

Le sujet du livre peut paraître quelque peu ico­no­claste : en effet, en matière de séduc­tion et de liai­sons, ce n’est pas le nom du roi podagre qui vient immé­dia­te­ment à l’esprit. La Mai­son de Bour­bon a connu, en la matière, des séduc­teurs plus actifs que ce prince accusé tour à tour d’impuissance, voire de ten­dances homo­sexuelles. Rai­son de plus pour lire cette très agréable étude qui éclaire d’une lumière inédite et ori­gi­nale les rela­tions que le comte de Pro­vence, devenu Louis XVIII en 1795, a entre­te­nues avec le Beau Sexe.

A tra­vers le récit bio­gra­phique de six per­son­nages, Mat­thieu Mensch scrute la manière dont cer­taines de ces femmes ont influencé la per­son­na­lité de Louis XVIII, sa mère au pre­mier chef, la mécon­nue, pieuse mais habile Marie-Josèphe de Saxe. Mais il se penche sur­tout sur la façon dont il les a ins­tru­men­ta­li­sées à des fins pro­pa­gan­distes et poli­tiques. La palme reve­nant ici à la mal­heu­reuse et raide duchesse d’Angoulême, unique sur­vi­vante de la famille royale mas­sa­crée, par­fait joyau de l’atmosphère lacry­male de la Restauration.

Et le corps dans tout cela ? Pro­vence n’hérita pas des fai­blesses de ses ancêtres, et sur cette ques­tion, l’auteur reste pru­dent: “Les apti­tudes sexuelles du futur Louis XVIII  ont été com­men­tées, ima­gi­nées, fan­tas­mées, mais aucune source ne vient nous ren­sei­gner véri­ta­ble­ment sur sa vie intime.” Et ce ne fut pas son mariage désas­treux avec Marie-Joséphine de Savoie qui pou­vait arran­ger la situa­tion. Une prin­cesse elle aussi mécon­nue mais “reine de France” qui l’accompagna tant bien que mal dans ses infor­tunes sans pou­voir jouer le rôle que le sys­tème monar­chique atten­dait d’elle : un rôle de repré­sen­ta­tion et de génitrice.

Louis XVIII était-il capable d’aimer ? Mat­thieu Mensch conteste la réponse néga­tive que la plu­part des auteurs donne. Il décrit au contraire un homme à la recherche d’affection. Plu­sieurs femmes en furent l’objet, ses deux sœurs avant tout, Eli­sa­beth et Clo­tilde, dont il pleura la mort ; mais aussi les favo­rites, la com­tesse de Balbi, ici sor­tie de l’ombre et qui brilla à la cour de Ver­sailles, puis la com­tesse de Cayla qui apporta une ultime lumière dans la vie du vieux monarque impo­tent. Sa pré­sence et sa sup­po­sée influence illus­trent d’ailleurs très bien le chan­ge­ment d’époque de cette “amie de cœur d’un monarque consti­tu­tion­nel”, ce qui limi­tait le pou­voir poli­tique de la favorite.

En réa­lité, toute sa vie Louis XVIII cher­cha à ins­tru­men­ta­li­ser la pré­sence et le pou­voir des femmes à son pro­fit, en digne héri­tier de la monar­chie et de Ver­sailles qu’il ne cessa jamais d’être. Il resta pour­tant un homme seul.

frede­ric le moal

Mat­thieu Mensch, Les femmes de Louis XVIII, Per­rin, juin 2024, 352 p. — 23,00 €.

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