Ce livre publié à l’occasion de l’exposition Cinéma, poésie & merveilleux, au Musée d’Art Moderne Yves Brayer de Cordes-sur-Ciel de mars à mai 2024 est en hommage au Centenaire du Manifeste du Surréalisme. Paul Sanda plonge dans le 7ème art à travers douze peintures de Françoise Segonds. Chaque « commentaire » de Paul Sanda est accompagné en vis-à-vis d’une peinture de Françoise Segonds mais plusieurs textes supplémentaires permettent un voyage autour des grands noms du cinéma et du cinéma noir des années 1930–1950.
L’auteur — reprenant Ado Kykou (grand amateur de cinéma – désormais rarement vu – de Fernando Arrabal, “le blasphémateur ailé” — évoque le cinéma d’essence surréaliste. Il rappelle le cinématographe comme art plus riche et plus libre que les autres. Paul Sanda lui aussi revient à ce cinéaste inititulé « cheval visionnaire » à propos de son film « J’irai comme un cheval fou » (1973). Mais l’auteur propose aussi des retours plus anciens (dont les Prévert).
L’essayiste reste toujours sensible aux films qui jouent sur les absurdités et ses aliénations d du langage (cf. « Drôle de drame »). Il voit par ailleurs Fritz Lang avec « M le Maudit » et Murnau (“Nosferatu le Vampire”, 1922) comme des précurseurs capables de filmer des âmes errantes et palpitantes.
Mais l’auteur n’oublie pas ce qu’il nomme le « Mystère énigmatique de Man Ray » (“L’Étoile de mer”, “Le Mystère du château de Désir”), qui sut se contrôler et se perdre par « les ajournements de la conformité ». En découle forcément « Le chien du regrettable rêve, révolte de Buñuel ». Paul Sanda, grâce à Bunuel, prouve que le surréalisme provoqua “l’ossature, la raison anthropologique, liquéfiée, assaillie, pâlissante” au moment où le fameux œil est annihilé dans un désordre absolu et visuellement insupportable.
Plus près de nous, l’auteur plonge dans « L’Extase fondatrice de Walerian Borowczyk » dont les” Cérémonies d’amours coupables” servent pourtant de rosaire érotique. Guidé par l’esprit surréaliste, l’auteur montre comment le cinéma s’est renversé, nié pour réanimer ses flammes dans l’expressivité d’une vie totale qui dépasse tout réalisme même si le cinéma est devenu machine à fabriquer du divertissement pour les masses. Mais — preuve faite — Sanda illustre combien le surréalisme l’a sauvé.
jean-paul gavard-perret
Paul Sanda, Cinéma, poésie & merveilleux : évocation, images & surréalisme, avec des peintures de Françoise Segonds”, Éditions Rafael de Surtis, Collection Art Artistes, 2024, 120 p. — 25,00 €.