Michaël Darmon, Le pape et la matriarche. Histoire secrète des relations entre Israël et le Vatican

Une ren­contre qui fut une étape cruciale

En ce temps de guerre ter­rible entre Israël et les ter­ro­ristes isla­mistes du Hamas, il n’est pas inutile de rap­pe­ler qu’il existe un autre acteur du drame vécu par la Terre sainte: l’Eglise catho­lique. Celle-ci entre­tient en effet des rap­ports com­plexes avec l’Etat hébreu, sur le plan aussi bien poli­tique que reli­gieux.
Ce ne fut qu’en 1994, dans le contexte des accords d’Oslo, que le Saint-Siège finit par éta­blir de véri­tables rela­tions diplo­ma­tiques avec Israël. Et sur le long che­min menant à cette recon­nais­sance de jure se trouve une ren­contre très peu connue, celle du 16 jan­vier 1973 entre la Pre­mier ministre Golda Meir, “la matriarche d’Israël” et le pape Paul VI.

L’inté­rêt du livre de Michaël Dar­mon est pré­ci­sé­ment de racon­ter l’histoire de cet entre­tien à tra­vers le temps long des rela­tions judéo-chrétiennes : l’accusation de déi­cide, les réserves très tôt expri­mées à l’encontre du pro­jet sio­niste, lequel remet­tait en cause la théo­lo­gie de la puni­tion, le refus de recon­naître la créa­tion de l’Etat hébreu en 1948, puis le concile Vati­can II qui enterra, avec la décla­ra­tion Nos­tra AEtate, l’antijudaïsme.
Mais cette étape cru­ciale ne suf­fi­sait pas à rap­pro­cher les points de vue, la papauté main­te­nant ses dis­tances avec Tel Aviv. La sécu­rité des chré­tiens, la pro­priété des lieux saints, le sort des Pales­ti­niens et le main­tien de bonnes rela­tions avec les Etats arabes pesaient de tout leur poids pour empê­cher un apai­se­ment complet.

Cela étant, Golda Meir et Paul VI, convain­cus cha­cun pour leurs rai­sons propres de la néces­sité de cette ren­contre, fran­chirent le pas déci­sif de l’audience his­to­rique au Vati­can, dans une atmo­sphère qui resta ten­due. Il n’empêche. Un pas immense avait été réa­lisé. Et ce, d’autant plus que, en cou­lisses, les ser­vices secrets israé­liens éta­blirent avec les pré­lats et les ser­vices de la Curie un début de coopé­ra­tion que Golda Meir espé­rait fruc­tueuse.
Le livre de Michaël Dar­mon lève le voile sur cet aspect peu connu, bien qu’il semble exa­géré de par­ler de “ser­vices secrets” de Vati­can au vrai sens du terme. Les pages sur le pro­jet d’attentat contre Golda Meir, déjoué in extre­mis alors qu’elle atter­ris­sait à Rome, sont pas­sion­nantes. Autre point nova­teur : l’enquête du Mos­sad sur un autre atten­tat, celui contre Jean-Paul II, dont les fils remon­te­raient jusqu’à Téhéran…

fre­de­ric le moal

Michaël Dar­mon, Le pape et la matriarche. His­toire secrète des rela­tions entre Israël  et le Vati­can, Passés/Composés, avril 2024, 213 p. — 19,00 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>