Marie-Anne Toulouse, Histoire de Madame Rosemonde

Madame rêve

Tout ici est riche, sub­til, pro­fond et juste. Ce roman est celui du des­tin d‘une femme agré­gée et let­trée qui a, entre autres, assuré l’éditions des romans de Romain Gary à la Pléiade à la suite de sa thèse sur Gracq. De nom­breux ouvrages qui se cou­ronnent par ce nou­veau roman.
Après son édu­ca­tion et son mariage avec Mon­sieur de Rose­monde, elle a appris à se ser­vir de sa rai­son « pour tâcher de venir à bout des écarts du cœur et des fan­tai­sies de l’imagination. »

Pour la suite de sa propre  his­toire, l’auteure apprend de sa vie, de ses guides mais aussi de la pré­sence de la mort pour ce qui est d’elle comme de la vie, même si elle ne s’est jamais réso­lue aux vues de la reli­gion, « ni [n’a pu] conce­voir de bonne foi com­ment la vie de mon âme pour­rait se pour­suivre pri­vée de ce qui nour­rit son sen­ti­ment », écrit-elle.
Dans sa longue exis­tence, elle a vu celles et ceux qui ont dis­paru mais sans « les aban­don­ner à une absence sans recours. A  tra­vers « la per­sis­tance pâlie d’un sou­ve­nir sans pareil », elle a su sau­ver son système.

Elle le juge par­fois infirme ou héré­tique, mais elle s’accorde au des­tin afin de trou­ver le moyen de vivre « sans les objets de mon affec­tion, puisque déci­dé­ment l’ordonnance des choses, qu’il m’arrive de nom­mer la Pro­vi­dence, a voulu que l’énergie aveugle de la vie l’emportât tou­jours chez moi sur le cruel cha­grin de leur perte. »
Un tour d’esprit mélan­co­lique et songe-creux se tire de ce qui fut et donne à ce roman une puis­sance d’être et une force d’opiniâtreté qui emporte le texte d’un temps à l’autre pour que le désir puisse vaincre les maux notam­ment par la grâce de ce qui fut et donne là une dimen­sion de sur-vie.

Emerge donc tou­jours un per­son­nage fémi­nin qui per­dure. Elle en ignore le contexte tout en conser­vant sa trace fan­to­ma­tique entre des sortes d’idoles pour ce roman à reli­gion païenne.
L’auteure en reste  une prê­tresse libé­ra­trice, gor­geant les clés de voûtes de sa nou­velle cathé­drale. Conden­sa­tions et dépla­ce­ments créent une pluie, un ruis­sel­le­ment dont le cercle ne cesse de s’agrandir. Mais une forme d’espérance règne car l’écriture se savoure. Elle  per­met de sau­ver dans l’écart et aussi dans le sein d’une pré­cieuse intimité.

jean-paul gavard-perret

Marie-Anne Tou­louse , His­toire de Madame Rose­monde, L’Atelier Contem­po­rain, Stras­bourg, 2024, 176 p. — 25,00 €.

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