Quand on doit sa survie à un cataclysme…
L’intrigue concoctée par Damien Marie reprend chronologiquement une série d’événements survenus lors du tremblement de terre en Californie et ses enchaînements entre le 17 et 18 avril au matin. Si le parcours de Judith, la femme de chambre, est totalement fictif, il s’intègre dans des bouleversements tout à fait authentiques. C’est aussi le cas de certains protagonistes dont la trajectoire réelle a été conservée avec les interactions de l’héroïne.
Le thème principal de la série s’appuie sur trois Judith, ce qui justifie le titre du présent album. On retrouve celle des temps anciens qui décapite Holopherne en 720 av. J.-C. celle peinte par Gustav Klimt, ce chef-d’œuvre, et la femme de chambre qui assure le rôle de l’héroïne. Cependant, il semblerait que le peintre autrichien ait peint trois tableaux de Judith.
Si Enrico Caruso était bien sur place, les auteurs mettent en scène, le général Funston, le Hop Sing Tong, l’organisation criminelle chinoise la plus puissante dans China Town en 1906 et bien sûr, une œuvre de Klimt.
En introduction, le scénariste relate la légende de Judith qui tua Holopherne, le général qui assiégeait sa ville. Puis l’action se déporte le mardi 17 avril 1906, à San Francisco, quand Judith arrive à l’hôtel prendre son service de nuit. Elle abandonne son allure très garçonne pour l’uniforme de femme de chambre. Ses collègues l’informent de la présence d’un chanteur italien, Caruso.
Celui-ci, pour protéger sa famille et ses biens, a dû accepter, l’été précédent, de rendre quelques menus services à la mafia. Il doit transporter un colis dans ses bagages. Dans le cadre de son service de chambre, elle monte une boîte de cigares offerts au maître par le maire. Dans la chambre vide, Caruso est au théâtre où il enchaîne les rappels, elle remarque un paquet, un tableau mais se fait assommer par deux voyous venus prendre possession du paquet. Comme elle a vu, ils ne peuvent la laisser partir et l’emmènent pour l’exécuter dans un coin tranquille.
Pourquoi ce secret autour de ce tableau ? Et quand les assassins veulent mettre leur projet à exécution, la faille s’ouvre, déclenchant…
La mise en images est le fruit d’un travail rigoureux de Fabrice Meddour qui assure dessins et couleurs. Il donne à ses personnages une puissance évocatrice remarquable et il propose des décors signifiants de l’action. Sa mise en page reste classique mais efficace pour une belle lecture. Faut-il révéler qu’il a dû, pour satisfaire au scénario, créer un tableau ? Ses couleurs directes offrent une belle profondeur à ses vues de la ville.
Un dossier superbement illustré livre nombre d’informations sur la catastrophe et sur les principaux acteurs de l’époque.
Ce premier tome se laisse découvrir avec un bel intérêt pour son intrigue menée avec brio, son héroïne très attachante et son graphisme de belle facture.
serge perraud
Damien Marie (scénario) & Fabrice Meddour (dessins et couleurs), San Francisco 1906 — T.01 : Les trois Judith, Éditions Bamboo, label “Grand Angle”, février 2024, 64 p. — 15,90 €.