Aurélie Wellenstein & Emanuele Contarini, La Venise des louves

Dans une Venise revisitée…

L’archi­pel était un endroit pai­sible. Sou­dain, sur une des îles, les lumières se sont éteintes comme des bou­gies souf­flées.
Renzo, un pia­niste, est devant un étal sur un mar­ché quand une bombe, por­tée par un homme ter­ro­risé, explose. Les effets de ces armes sont mul­tiples entre dis­tor­sion, dis­per­sion, démence, dévo­ra­tion. C’est ainsi que son bras droit a été effacé.
Depuis, chaque nuit, il revit un cau­che­mar, l’arrivée d’une gon­dole où un homme mas­qué veut l’emmener sur l’île. Il en est de même pour quatre jeunes femmes qui ont subi les effets des bombes. Avec lui, elles forment une meute nour­rie de haine. Cachés sous des masques de loup, ils veulent accos­ter sur l’île pour détruire l’engeance qui y sévit. Mais, quand une ado­les­cente qui semble avoir subi la tota­lité des effets les rencontre…

Avec ce scé­na­rio, Auré­lie Wel­len­stein construit une his­toire qui mêle choc trau­ma­tique, désir de ven­geance et rési­lience. Elle fait ainsi, dans une Venise de fan­tasy, une relec­ture des trau­ma­tismes tou­chant les vic­times d’attentats. Si elle prend La Ville posée sur l’eau comme cadre, elle s’inspire d’éléments de son célèbre car­na­val comme le port de masques. Elle retient aussi un rap­port avec les super-héros des comics qui portent, parmi les plus célèbres, presque tous des masques.
Le loup tient une place impor­tante car, outre le masque, il ins­tille toute une sym­bo­lique liée à cet ani­mal. Le groupe forme une meute à l’image de celle de ces ani­maux qui vivent en com­mu­nauté. Les quatre jeunes femmes se défi­nissent comme des louves. On peut, cepen­dant, regret­ter qu’elles soient orga­ni­sées autour d’un mâle qui forme l’axe cen­tral du groupe.
Mais c’est aussi une volonté, au-delà d’un esprit de ven­geance, de vou­loir res­tau­rer une jus­tice.
Avec cet album, la scé­na­riste offre un récit pas­sion­nant où l’action est liée à une ligne de nar­ra­tive riche en rebon­dis­se­ments jusqu’à un dénoue­ment assez original.

Le des­sin réa­liste est l’œuvre d’Emanuele Conta­rini qui campe des per­son­nages inté­res­sants, faci­le­ment iden­ti­fiables tout au long de l’album. Sa mise en page se par­tage entre une répar­ti­tion clas­sique des vignettes et des ouver­tures sur des décors met­tant en valeur un point par­ti­cu­lier. Il reprend, dans une vue, l’escalier sans fin du génial illus­tra­teur néer­lan­dais M.C. Escher. Les cou­leurs d’Alice Sci­mia res­ti­tuent les ambiances, les moments d’action dans la nuit avec une belle réus­site. Ses teintes rehaussent le dyna­misme des scènes où la ten­sion est forte.

La Venise des louves se révèle une heu­reuse sur­prise par le trai­te­ment par­ti­cu­lier du cadre, son intrigue forte menée avec maes­tria et un gra­phisme à la hau­teur du récit.

serge per­raud

Auré­lie Wel­len­stein (scé­na­rio), Ema­nuele Conta­rini (des­sins) & Alice Sci­mia (cou­leurs), La Venise des louves, Édi­tions Bam­boo, label “Dra­koo”, jan­vier 2024, 48 p. — 14,90 €.

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