Jean Dufaux & Theo, Murena — “Chapitre Douzième : Mort d’un sage”

Des com­plots…

Ce dou­zième tome de la saga est le der­nier volet du troi­sième cycle por­tant pour titre Les Com­plots.

Lucius Murena avait dis­paru. Il avait été blessé en tom­bant dans un piège à la sor­tie d’un ban­quet. Il a mis du temps à se remette sur pied. Revenu à Rome, il retrouve l’estime de Néron, au grand dam de Tigel­lin. De plus, l’Empereur a reçu l’Hydre, cette femme mys­té­rieuse, cette gla­dia­trice hors-pair, atta­chée à Lucius. Tigel­lin charge son homme de main, Le Beso­gneux, un nain contre­fait, de sou­doyer un ser­vi­teur de Lemu­ria, l’ex-maîtresse de Lucius.
Néron veut com­battre contre l’Hydre. Vaincu, il l’épargne cepen­dant, confiant à Murena l’étrange sen­ti­ment res­senti, une atti­rance envers elle comme s’il exis­tait un lien. Il le charge de trou­ver son ori­gine. Mais Tigel­lin réus­sit à intro­duire des idées de com­plots dans l’esprit de l’Empereur et celui-ci…

Jean Dufaux affec­tionne les séries où il peut mul­ti­plier les cycles de manière à bra­quer le pro­jec­teur sur des situa­tions, des indi­vi­dus esquis­sés, évo­qués dans de pré­cé­dents albums. Il en est ainsi dans l’étonnante Com­plainte des landes per­dues (Dar­gaud). Mais ici, avec le per­son­nage de Néron, dans cette Rome qui bouillonne, il a la matière pour déve­lop­per des com­plots tant la pra­tique était mon­naie cou­rante.
Il décrit une Rome en proie à la cruauté, un théâtre impi­toyable d’ambitions, de vani­tés. Cette ville est un creu­set de luxure, de vio­lence qui s’entremêlent pour ser­vir la soif de puis­sance, de pou­voir d’une poi­gnée d’individus.

Avec son art consommé du récit, ses capa­ci­tés nar­ra­tives, Dufaux donne une his­toire dans l’Histoire, appuyée sur des faits authen­tiques. Il a le souci de res­pec­ter, ici, une cer­taine réa­lité même s’il s’offre pour le plai­sir, pour le plai­sir des lec­teurs, quelques liber­tés. Il en est ainsi des cir­cons­tances de la mort de Sénèque, ce phi­lo­sophe qui édu­qua Néron avant d’être vic­time de tra­hi­sons.
C’est le troi­sième album des­siné par Theo, ce créa­teur né à Flo­rence. Celui-ci a su s’approprier de belle manière l’esprit, reprendre les per­son­nages ini­tiés par Phi­lippe Delaby. Il offre une mise en images mar­quante. Ses pro­ta­go­nistes réa­listes sont beaux — même des affreux comme Le Beso­gneux. Il donne des décors superbes, mis en valeur par un fameux souci du détail. Ses vignettes sont à regar­der de près pour en appré­cier toute la richesse. Son tra­vail est magni­fié par une mise en cou­leurs par­ti­cu­liè­re­ment réus­sie de Lorenzo Pieri qui res­ti­tue, avec ses teintes chaudes, la chair des pro­ta­go­nistes, l’atmosphère cli­ma­tique de cette région italienne.

Dans une post­face, Jean Dufaux annonce qu’il entame l’écriture du der­nier cycle et que : “Une sur­prise atten­dra les lec­teurs. Une boucle dans le temps, comme un écho des vieilles com­pli­ci­tés, de celles qui par­viennent par­fois à sur­vivre…
Ce dou­zième cha­pitre est une réus­site totale tant pour le contenu du scé­na­rio que pour un gra­phisme qui enchante le regard.

serge per­raud

Jean Dufaux (scé­na­rio), Theo (des­sin) & Lorenzo Pieri (cou­leurs), Murena — Cha­pitre Dou­zième : Mort d’un sage, Dar­gaud, mars 2024, 64 p. — 14,50 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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