“On réussit ou on échoue, mais on essaye.”
Elles sont cinq, quatre femmes et une fillette, maltraitées par l’existence et leurs proches : Abigail, une jeune esclave noire, Kathleen, survivante d’un massacre par la tribu de Chumani, une indienne, Daisy, une ancienne institutrice irlandaise, Cassie, une prostituée. C’est l’adversité qui les réunit. En groupe, elles luttent contre le reste de la société essentiellement masculine qui peuple l’Ouest en cette fin du XIXe siècle.
Pour se défendre, elles ont dû causer quelques dégâts tant humains que matériels.
Abigail est tombée sous la coupe d’un chasseur de tête, les quatre femmes ont été arrêtées et emmenées dans une prison. Or la seule qui existe dans le coin est pour les hommes et réunit les pires crapules de la région. L’arrivée de ces quatre femmes provoque un branle-bas dans l’établissement. Elles sont menacées de toutes parts, soumises à la brutalité des gardiens, à la concupiscence des détenus.
La fillette noire doit suivre un entraînement brutal parce que l’homme, à la suite d’un pari, veut la rendre par tous les moyens performante dans l’usage des armes.
Face à cette situation intenable, les femmes décident de s’évader et travaillent à un plan. Si celui-ci est sommaire, elles l’espèrent efficace…
Prendre les fondamentaux du western en les détournant est l’idée qui initie cette histoire. Le scénariste réussit à les convertir pour faire vivre des femmes, devenues des guerrières, dans un univers où elles sont, de tradition, confinées à des rôles mineurs. Avec ces héroïnes aux caractères trempées, décidées à prendre leur vie en main, il propose un récit drôle et tonique sous-tendu par des réflexions fort pertinentes sur la vision machiste qui reste encore si répandue aujourd’hui. Il multiplie les actions musclées dont elles sont les auteures pour se défendre, que ce soit la fillette confrontée à un salaud, que ce soit ce quatuor de femmes en butte à la force brutale. Elles doivent user des mêmes actes que les hommes, tapant, frappant, faisant preuve d’une pugnacité et d’un courage que leurs adversaires n’ont pas.
Avec un art étudié pour mettre ces héroïnes en péril, leur permettre, non sans peine ni sans plaies, de s’en sortir, le scénariste donne un récit passionnant, attractif et non dénué d’humour.Les dialogues pétillants, l’enchaînement des différentes actions signent une belle histoire.
Le travail d’Anlor sur le dessin, d’Elvire de Cock sur les couleurs est d’une grande efficacité pour relayer la tonicité du scénario. Le trait incisif, la mise en scène apporte une belle lecture. Les teintes, en osmose avec le monde où évoluent les héroïnes, sont parfaites.
Ce troisième album clôt un premier cycle captivant avec ces héroïnes séduisantes, pour l’originalité de l’histoire et pour ce graphisme bien dynamique fort plaisant à regarder.
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serge perraud
Olivier Bocquet (scénario), Anlor (dessin) & Elvire de Cock (couleur), Ladies with Guns — Tome 3, Dargaud, janvier 2024, 72 p. — 16,50 €.