C’est la foudre, ses effets sur les humains, qui servent de fil rouge au nouveau thriller de Sonja Delzongle. Cette dernière nourrit une intrigue avec les répercussions de ces décharges exceptionnelles d’énergie. Cela va de la mort instantanée à la survie avec plus ou moins de séquelles physiques, psychologiques, voire de nouvelles aptitudes.
Ce récit est extrêmement documenté sur les orages, la foudre et les dégâts qu’elle peut occasionner. La romancière cite et détaille, par exemple, les quatre mécanismes de foudroiement, leurs conséquences bonnes ou mauvaises. Elle éclaire la kéraunopathologie, cette science qui étudie les conséquences sur les capacités physiques et cognitives. Elle décrit également ces chasseurs d’orage qui bravent le danger pour saisir la fugacité de cet élément naturel.
Deux touristes, qui font le tour de l’île de Ré à vélo, découvrent au bord d’une plage quatre corps enveloppés d’aluminium et attachés à de gros pieux métalliques.
Le capitaine Max Fontaine, du SRPJ de La Rochelle, est réveillé par Thomas Bergerac, son adjoint. Celui-ci est sur place et lui demande de venir immédiatement au grand dam de Max qui voulait passer la journée avec Elsa, l’amour de sa vie, pour son anniversaire.
La veille, le 21 juin, un bel orage a déferlé sur l’île. Le couple et les deux adolescents sont morts foudroyés. Près d’eux, sur un galet, l’inscription Storm. Un autre corps foudroyé, près du phare de Chassiron sur l’île d’Oléron, est également découvert par deux résidents, des journalistes scientifiques. Il est vite identifié. Il s’agit de Gustave Lang, un spécialiste de Kéraunothérapie, fondateur de Keraunas un centre de recherches sur les effets des orages.
Mais Max n’est pas au bout de ses peines quand on lui annonce la découverte de deux autres victimes de foudroiement sur les îles Madame et Aix.
Pour faire vivre son récit, l’auteure met en place une galerie de protagonistes remarquables, que ces individus soient attachants ou repoussants. Ils ont tous un profil construit, un caractère authentique, structuré par une connaissance fine de la nature humaine. Il en est ainsi du personnage principal, le capitaine Maxence Fontaine, qui a un parcours personnel bien particulier. Il est transgenre et l’auteure dévoile les raisons qui ont motivé son évolution, ainsi que toutes les modifications physiques pour passer d’un sexe à un autre.
Il est confronté à une série d’énigmes et doit trouver les raisons qui motivent cette série de meurtres, les liens entre tous ces morts sur quatre des cinq îles de l’archipel de la Charente-Maritime.
Le processus de construction de Noir comme l’orage est terrible. L’auteure allie péripéties et révélations, entremêlent les enquêtes, diversifie les liens entre les protagonistes et n’hésite pas à mettre à mal ses enquêteurs. Elle initie une atmosphère oppressante, sombre. Les morts se succèdent mais le tout génère l’envie d’en savoir toujours plus. Il est difficile de lâcher ce livre de plus de 500 pages.
Toutefois, au cœur de cette noirceur, elle laisse quelques plages plus légères, s’autorise des touches d’humour. Elle fait, par exemple, un clin d’oeil à l’association de romancières Les Louves du Polar, en nommant une commandante Cabanac. Mais elle glisse, avec l’air de ne pas y toucher, de nombreuses réflexions sur l’environnement, sur les relations humaines et la vie dans la société occidentale.
Noir comme l’orage est un thriller au thème original, à l’intrigue fouillée, avec de multiples ramifications, riche en tensions, permettant de lever le voile sur un univers bien peu connu.
serge perraud
Sonja Delzongle, Noir comme l’orage, Fleuve noir, coll. “Thrillers”, Janvier 2024, 560 p. — 22,90 €.