Mais l’homme n’est-il pas le plus redoutable des prédateurs ?
Valérie Mangin adapte un roman de science-fiction de Jeanne-A. Debats paru sous le même titre, en 2008, aux Éditions Griffe d’Encre. À l’époque, ce roman avait rencontré le succès et remporté quatre prix littéraires.
L’album s’ouvre sur un cachalot qui se réjouit de retrouver la mer et d’expérimenter de nouvelles sensations. L’action revient au moment où Ann Kelvin, une vieille dame en fin de vie, reçoit Marc, un de ses anciens élèves. Elle était professeure de biologie marine. Elle est aussi la fondatrice d’association militantes, allant jusqu’à un éco activisme musclé, n’hésitant pas à faire exploser des baleiniers.
Marc lui propose la transmnèse, le transfert de sa personnalité dans le corps d’un cachalot récemment échoué sur une plage. Elle peut, ainsi, vivre quelques années de plus et assurer une mission plus dangereuse. Elle doit réussir à faire aboutir le retrait des baleines de la chaîne alimentaire humaine.
Dans les profondeurs abyssales, dans les eaux glacées de l’Antarctique, cette scientifique avec son nouveau corps, va faire de nombreuses et dangereuses rencontres…
Alors que les discours écologistes restaient encore embryonnaires, Jeanne-A. Debats avait déjà intégré la défense des baleines dont l’extinction à court terme était programmée par la surpêche. L’intrigue est tendue car il s’agit de mettre un terme à ces massacres grâce à une action permise dans un cadre de science-fiction. Quoique !
Deux personnages principaux portent le récit. L’une est dans deux corps, c’est Ann Kelvin. Cette gentille dame a un passé de militante radicale, n’hésitant à s’attaquer de façon musclée à des grands groupes de prédateurs, de participer, de loin, à des attentats. Cependant, l’auteure lui donne une côté sympathique car elle se sacrifie pour le bien d’une cause noble.
Le second, Marc Senac, initie un programme qui doit faire date. Il a été formé par Ann, a sans doute été son amant.
Ce récit met les femmes à l’honneur avec une belle place pour cette héroïne magnifique. Les auteures portent également un regard acéré sur les possibilités de la vieillesse et de l’usage qui peut être fait de dernières années.
Stefano Martino, à la carrière riche de belles réussites, assure dessin et couleurs. Les tons glauques des fonds marins, la teinte des carapaces des baleines sont rendus avec talent. En accord avec Valérie Mangin, il est allé vers un dessin comportant beaucoup de hachures, se rapprochant ainsi de la gravure, un art bien difficile.
Cette adaptation permet de vivre une aventure peu commune, un récit en tension jusqu’à un dénouement brillant, mis en images de belle manière après un travail préparatoire approfondi.
serge perraud
Valérie Mangin (scénario d’après le roman de Jeanne-A. Debats) & Stefano Martino (dessin & couleur), La Vieille Anglaise et le Continent, Bamboo, label “Drakoo”, août 2023, 88 p. — 17,90 €.