Valérie Mangin & Stefano Martino, La Vieille Anglaise et le Continent

Mais l’homme n’est-il pas le plus redou­table des prédateurs ?

Valé­rie Man­gin adapte un roman de science-fiction de Jeanne-A. Debats paru sous le même titre, en 2008, aux Édi­tions Griffe d’Encre. À l’époque, ce roman avait ren­con­tré le suc­cès et rem­porté quatre prix littéraires.

L’album s’ouvre sur un cacha­lot qui se réjouit de retrou­ver la mer et d’expérimenter de nou­velles sen­sa­tions. L’action revient au moment où Ann Kel­vin, une vieille dame en fin de vie, reçoit Marc, un de ses anciens élèves. Elle était pro­fes­seure de bio­lo­gie marine. Elle est aussi la fon­da­trice d’association mili­tantes, allant jusqu’à un éco acti­visme mus­clé, n’hésitant pas à faire explo­ser des balei­niers.
Marc lui pro­pose la trans­mnèse, le trans­fert de sa per­son­na­lité dans le corps d’un cacha­lot récem­ment échoué sur une plage. Elle peut, ainsi, vivre quelques années de plus et assu­rer une mis­sion plus dan­ge­reuse. Elle doit réus­sir à faire abou­tir le retrait des baleines de la chaîne ali­men­taire humaine.
Dans les pro­fon­deurs abys­sales, dans les eaux gla­cées de l’Antarctique, cette scien­ti­fique avec son nou­veau corps, va faire de nom­breuses et dan­ge­reuses rencontres…

Alors que les dis­cours éco­lo­gistes res­taient encore embryon­naires, Jeanne-A. Debats avait déjà inté­gré la défense des baleines dont l’extinction à court terme était pro­gram­mée par la sur­pêche. L’intrigue est ten­due car il s’agit de mettre un terme à ces mas­sacres grâce à une action per­mise dans un cadre de science-fiction. Quoique !
Deux per­son­nages prin­ci­paux portent le récit. L’une est dans deux corps, c’est Ann Kel­vin. Cette gen­tille dame a un passé de mili­tante radi­cale, n’hésitant à s’attaquer de façon mus­clée à des grands groupes de pré­da­teurs, de par­ti­ci­per, de loin, à des atten­tats. Cepen­dant, l’auteure lui donne une côté sym­pa­thique car elle se sacri­fie pour le bien d’une cause noble.
Le second, Marc Senac, ini­tie un pro­gramme qui doit faire date. Il a été formé par Ann, a sans doute été son amant.

Ce récit met les femmes à l’honneur avec une belle place pour cette héroïne magni­fique. Les auteures portent éga­le­ment un regard acéré sur les pos­si­bi­li­tés de la vieillesse et de l’usage qui peut être fait de der­nières années.
Ste­fano Mar­tino, à la car­rière riche de belles réus­sites, assure des­sin et cou­leurs. Les tons glauques des fonds marins, la teinte des cara­paces des baleines sont ren­dus avec talent. En accord avec Valé­rie Man­gin, il est allé vers un des­sin com­por­tant beau­coup de hachures, se rap­pro­chant ainsi de la gra­vure, un art bien difficile.

Cette adap­ta­tion per­met de vivre une aven­ture peu com­mune, un récit en ten­sion jusqu’à un dénoue­ment brillant, mis en images de belle manière après un tra­vail pré­pa­ra­toire approfondi.

serge per­raud

Valé­rie Man­gin (scé­na­rio d’après le roman de Jeanne-A. Debats) & Ste­fano Mar­tino (des­sin & cou­leur), La Vieille Anglaise et le Conti­nent, Bam­boo, label “Dra­koo”, août 2023, 88 p. — 17,90 €.

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