Quand le chasseur devient une proie
De chasseur, Hubert Grimm devient une proie. Il ignore qui le pourchasse et pour quelles raisons. En prenant l’inversion d’une situation habituelle dans le thriller, le romancier amène son héros à une introspection, à enquêter sur lui-même. Le lecteur va ainsi, entrer plus avant dans la vie du personnage principal, mieux cerner les causes qui motivent son pessimisme, sa solitude, sa difficulté à exprimer ses sentiments.
Il est torturé et les affaires où il se plonge de façon obsessionnelle n’aident pas à trouver une certaine sérénité. On comprend un peu mieux son attitude quand on découvre enfin ce qu’il a vécu et ce qu’il vit.
Après l’éprouvante enquête relatée dans Le Manoir des sacrifiées (XO Éditions –2022 ; Pocket — 2023), le commandant Grimm a retrouvé la PJ de Rennes. En rentrant chez lui, il a ressenti un malaise, comme s’il était épié. Il trouve une lettre lui qui, à part des factures, ne reçoit jamais rien. Le contenu, deux lignes, est à la fois sibyllin et menaçant : “Tu es fier de ce que tu as fait ? L’heure des comptes a sonné.“
Il ne comprend pas qui lui en veut ainsi. Mais, il se sent en danger et prend le maximum de précautions lorsqu’il est dehors. C’est à Montpellier, où il va presque chaque week-end pour voir son fils et Amandine qui se remet très mal du drame vécu l’an dernier, qu’il reçoit un sms : “Tu as fui ton appart ? Tu as peur de moi ? Tu as bien raison. ”
C’est un de ses adjoints qui le met sur une piste. Grimm a fait mettre en prison le neveu d’un proxénète serbe qui tient un bar dans la ville. Il est soupçonné de divers trafics mais la police reste impuissante à le prouver. Il est associé à un Vietnamien, un véritable tueur.
C’est en enquêtant sur eux que Grimm découvre l’ombre de celui, insaisissable et machiavélique, qui le plonge dans l’enfer…
Pour enrichir son intrigue déjà bien fournie en péripéties et rebondissements, Olivier Merle introduit une affaire de corruption dans le commissariat. La figure du ripou, assez classique dans les romans et dans les films — figure que Philippe Noiret a porté au pinacle — ajoute une phase à l’enquête en la freinant, en la torpillant.
Entouré par trois collaborateurs, Olivier Merle lève le voile sur les motivations, sur la vie privée de chacun, donnant des personnages de chair et d’os. Avec des séquences assez fortes, l’introduction d’un supplice chinois particulièrement sadique, Olivier Merle livre un remarquable roman, un thriller dont il est difficile de se détacher tant la tension est forte.
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serge perraud
Olivier Merle, Les Entrailles du mal, XO Éditions, coll. “Thriller”, octobre 2023, 352 p. — 20,90 €.