Un hommage humoristique à l’âge d’or du roman policier
Cette série s’appuie sur Ethelred Tressider, un auteur de polars méconnu, et Elsie Thirkettle, son agent, une demoiselle rondelette et grande amatrice de chocolat. Ethelred a disparu depuis près d’un an. Elsie le considère comme mort, compte-tenu des circonstances qui ont clôt le précédent roman. Cependant, elle est chez lui quand il appelle en déguisant sa voix. Mais il raccroche avant qu’elle ait pu lui faire dire où il se trouvait. Elle pense alors, pour le débusquer, à bloquer ses cartes de crédit. En l’espace de quinze jours, il retéléphone pour qu’elle paie l’hôtel où il se trouve, sur les bords de la Loire, à Chaubord. Elle le rejoint, alors que se termine une réunion de philatélistes dont quelques participants résident sur les lieux. Alors que chacun s’apprête à repartir, un client est assassiné à coups de couteau, puis un second est empoisonné au cyanure. La police consigne tout le monde. Elsie commence son enquête et surprend vite des attitudes bizarres, saisit des conversations tendancieuses, noue des contacts infructueux, voulant mêler une activité de détective et sentimentale.
Ethelred, pour sa part, semble curieusement impliqué dans cette affaire. Elle apprend qu’il n’est pas là, par hasard, qu’il doit être contacté pour accomplir une « mission ». Et dans ce chaudron les passions s’échauffent, les individus se dévoilent, chacun pouvant parfaitement être l’assassin soit par ses connaissances professionnelles, soit par un mobile… légitime ou non.
Le titre anglais, Ten Little Herrings est plus explicite que celui retenu par les éditions Sonatine, bien que ce dernier fasse le lien avec une situation évoquée dans le précédent roman. L. C. Tyler rend, dans ses livres, un hommage aux romanciers de l’âge d’or du polar, et dans ce volume, un hommage appuyé à Agatha Christie, une des reines du genre. Le titre anglais, déjà, rappelle un des livres les plus célèbres de cette grande dame. De plus, il la cite à différentes reprises et termine son roman par la situation qu’elle a institutionnalisée, à savoir la réunion, en fin d’enquête, de tous les protagonistes face au détective qui livre alors la solution et désigne le coupable. Mais L. C. Tyler le fait avec tout l’humour qui caractérise ses romans, avec la légèreté de ton qui baigne ses récits, avec l’art et la manière de mettre en scène, sous un aspect de pastiche, une intrigue fort bien troussée qui livre son lot de révélations dans une conclusion astucieuse. Avec son couple de héros qui donne alternativement leur point de vue sur les événements qu’ils vivent, l’auteur croise des éléments d’intrigue, distille des informations qui renforcent l’intérêt pour son histoire. L’auteur se complaît à casser les codes du genre, à se moquer de l’activité de romancier comme de celui d’argent, à brocarder sa profession et ses usages. Il retourne les expressions, les situations leur donnant un tout autre sens. Il crée des galeries de personnages d’une grande crédibilité et des intrigues de très bonne facture.
Avec ce second roman publié par Sonatine, L. J. Tyler confirme son talent de romancier de polars et celui d’humoriste, mettant à l’honneur cet humour si délicieusement “british”, dans la voie ouverte par un Jerome K. Jerome, un P.G. Wodehouse ou un Terry Pratchett.
serge perraud
L. C. Tyler, Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire (Ten Little Herrings), traduit de l’anglais par Élodie Leplat, éditions Sonatine, septembre 2013, 288 p. – 18,00 €.