En ce mois d’octobre 1973, le premier maréchal des logis Daniel Sabre, en garnison en Allemagne, est convoqué par sa hiérarchie. Il est chargé d’une mission spéciale, d’une durée indéterminée, dont il ne devra parler à personne. Il doit conduire une personne là où elle lui dira. Le lendemain matin, c’est une femme qui est au rendez-vous à Bruxelles. Elle lui demande de la conduire à Lyon.
Peu de paroles sont échangées dans la voiture pendant le trajet. Daniel apprend qu’elle s’appelle Marlène. À Lyon, elle fait une courte visite puis décide d’aller à Perpignan. Pourquoi ces trajets ? Que cherche cette femme ? Peu à peu, ils échangent quelques bribes de leur vie mais une surprise de taille les attend…
Paul Colize imagine un huis clos entre deux personnages qui passent beaucoup de temps dans une voiture. Ils ignorent tout l’un de l’autre. Chacun porte un secret, une plaie ouverte. Le romancier décrit ce périple de façon détaillée, livrant au compte-gouttes des révélations sur les deux protagonistes. La tension nait de l’ignorance du but final, de l’incertitude entretenue, des faux-semblants.
Deux personnes, qui ne savent rien l’une de l’autre doivent cohabiter dans une promiscuité, amenant ce que l’auteur appelle le syndrome du troisième jour. Les contacts entre cet instructeur militaire et cette professeure de français sont émaillés de moments humoristiques quand, par exemple, elle lui fait remarquer les mots mal employés, l’incidence de son accent bruxellois sur sa prononciation.
La construction du récit est adroite. Il alterne des chapitres courts réservés aux deux personnages principaux où chacun décrit les événements selon son point de vue. L’auteur glisse de courts paragraphes sur des faits divers, sur des personnes ou des évènements célèbres tels Marylin Monroe, le photographe Jeff Widener…
Il lâche quelques réflexions sur notre société, sur les postures. Ainsi, il brocarde quelques catégories sociales comme, par exemple, les maîtres à penser qui se disent larges d’esprit et tolérants mais se montrent cassants et sectaires envers ceux qui ne partagent pas leur idéologie. L’esprit fonctionnaire quand on confie à Daniel une somme d’argent pour ses frais mais dont il devra rapporter les justificatifs.
Choisir Un monde merveilleux comme titre est quelque peu cynique car le contenu du roman est tout le contraire avec des péripéties trouvant leurs racines dans les ravages de la Seconde Guerre mondiales. Mais le duo de personnages fonctionne à merveille pour un grand moment de lecture.
serge perraud
Paul Colize, Un monde merveilleux, Folio policier n° 999, septembre 2023, 320 p. — 9,20 €.