Des naufragés temporels échoués au milieu de nulle part
Ce récit de science-fiction met en œuvre différents thèmes de ce genre littéraire. Si celui-ci traite de progrès scientifiques, de voyages dans l’espace, dans le temps, dans des univers parallèles avec des rencontres de sociétés bien éloignées de celles connues des terriens, cette série amalgame nombre de ces sujets. Ainsi, il y a un voyage dans l’espace, dans le temps, voire vers une Terre parallèle avec des phénomènes inconnus qui amènent des humains, pris à différentes époques, en différents lieux, sans, semble-t-il, de cohérence.
Le progrès technologiques est traité de façon humoristique et fort pertinente avec, par exemple, Bohémond qui apprend à conduire un véhicule et découvre avec stupeur que l’homme peut voler à l’aide d’une machine. Il n’aura de cesse de réaliser ce fait.
Paul fait toujours le même cauchemar, l’explosion de son vaisseau. Il est réveillé par celui qu’il appelle Messire Chevalier qui reconnaît que son passage n’a pas été aussi brutal. Ils sont dans une zone désertique. Soudain, une énorme tache lumineuse vient de se matérialiser. Ils embarquent dans d’étranges véhicules pour se diriger vers cet orage temporel. Ils sont déçus car ce ne sont qu’arbres et végétations. Mais surgit un éléphant furieux qui charge. Ils réussissent à le tuer et rentrent à Newton, une cité construite de bric et de broc.
Un autre groupe rentre d’expédition avec un jeune homme. Il dit s’appeler Kyle, être né en 1982. Paul lui révèle qu’ils ne sont plus sur la Terre, même pas dans la Voie lactée. Les arrivées sont chaotiques. Ces orages temporels amènent tout et n’importe quoi depuis la Terre. Ainsi, Messire Chevalier, Bohémond, est né en 1214 dans le duché de Normandie, Paul était un astronaute. La cohésion du groupe est difficile et les conflits sont nombreux entre des gens qui se retrouvent dans une dimension bien différente.
Fauzi, à la tête d’un petit groupe, rejette ceux qu’il appelle des Greedys, les humains nés au XXe et XXIe siècle. Pour lui, ce sont de pâles copies d’humains. Ils ne doivent plus être accueillis, il faut même les tuer. La discussion s’envenime et Fauzi tue Kyle…
Les arrivées d’humains de toutes conditions et époques amènent à constituer une société où il faut vivre ensemble, sachant que des connaissances amènent des frictions. Ainsi, les humains des XXe et XXIe siècles sont honnis car ils font partie des générations qui ont pillé la Terre, la laissant exsangue pour leurs descendants.
Vincent Brugeas construit une histoire aux composantes très pertinentes avec de magnifiques trouvailles. Il propose, par exemple, une belle explication à certains mythes relatifs aux disparitions inexpliquées comme le fameux Triangle des Bermudes. Il pose nombre de problématiques, fait naître moult questions et fait preuve d’une belle inventivité.
La mise en images se partage entre Brice Cossu, Ronan Toulhoat et Yoann Guillo. Le premier se charge des story-boards, le second de la touche définitive et de l’encrage et le dernier des couleurs. La galerie des acteurs de l’aventure est étoffée, chacun ayant une personnalité bien campée, identifiable aisément. Ils sont mis en scène avec justesse, exprimant émotions et s’employant avec dynamisme dans des actions toniques qui ne manquent pas.
Les décors sont particulièrement travaillés et donnent une belle vision de ce nouvel univers.
Un premier album très attractif par la richesse du scénario, par la foule variée des protagonistes et par les planches étonnantes.
serge perraud
Vincent Brugeas (scénario), Brice Cossu (story-Board), Ronan Toulhoat (encrage) & Yoann Guillo (couleur), Bomb X — T.01, Glénat, coll. “Hors Collection”, septembre 2023, 64 p. — 15,50 €.