Zoé Oldenbourg, Argile et cendres

Dans le tour­billon d’un Moyen Âge sen­suel et féroce

Zoé Olden­bourg est née en 1916 à Saint-Pétersbourg. Elle arrive en France à l’âge de neuf ans. Elle com­mence à s’adonner à la pein­ture avant de s’attacher à l’écriture de romans et de livres his­to­riques ins­pi­rés prin­ci­pa­le­ment par le Moyen Âge.
Les Édi­tions Folio rééditent en un seul volume les deux tomes d’Argile et cendres, publiés pour la pre­mière fois en 1946 chez Gal­li­mard. Cette épo­pée fait revivre, à tra­vers une chro­nique fami­liale bien mou­ve­men­tée, l’époque et les croisades.

C’est au châ­teau de Lin­nières, en Cham­pagne, à la fin du XIIe siècle, que débute l’histoire. Elle retrace la vie d’un nobliau et de sa famille. Ansiau est un jeune che­va­lier de seize ans quand il épouse Aalais de Pui­seaux, âgée de qua­torze ans. Il est ébloui par cette ado­les­cente qu’on lui a don­née. Son père décède peu après et il devient le sei­gneur d’un petit domaine pei­nant à four­nir des reve­nus suf­fi­sants.
Le châ­teau est rus­tique. S’il est vaste, il est sombre. La famille, entre ascen­dants et col­la­té­raux, est nom­breuse. Tout le monde vit dans deux salles où règne la pro­mis­cuité la plus totale. Un che­va­lier passe sa vie entre la chasse, les tour­nois et la guerre quand le Comte de Cham­pagne le décide. Ansiau appré­cie les tour­nois qui lui donnent l’occasion de récu­pé­rer quelques rançons.

Et ce sont les croi­sades prê­chées par des reli­gieux fana­tiques. Dans l’enthousiasme sou­levé, c’est l’engagement avec le désir de voir Jéru­sa­lem et de s’enrichir de quelques pillages. Et Ansiau laisse Aalais seule à gérer un domaine avec peu de res­sources…
Ce pre­mier roman de l’auteure a été écrit pen­dant la Seconde Guerre mon­diale alors que l’existence était très dif­fi­cile. Elle tra­vaillait alors dans un ate­lier de déco­ra­tion plus ou moins clandestin.

Cette fic­tion s’appuie sur une connais­sance rigou­reuse du Moyen Âge car Zoe Olden­bourg a passé un nombre d’heures consi­dé­rable dans les biblio­thèques de Paris, à se docu­men­ter sur l’époque. C’était alors la seule source d’informations, pour qui n’avait pas les moyens de s’offrir les livres adé­quats.
Écrit alors que le Moyen Age n’était pas à la mode, ce texte embrasse de nom­breux sujets. S’il détaille la che­va­le­rie et ses rites, le dérou­le­ment et le pra­tique des croi­sades, il évoque lar­ge­ment le quo­ti­dien, les occu­pa­tions des femmes, les détails et les mille choses qui fai­saient la vie de l’époque.

La pré­fa­cière, Juliette Arnaud, com­pare ce livre à Scènes de la vie conju­gale de Berg­man, Au Nom de la rose du fan­tas­tique Umberto Eco et au Trône de fer. Et ce n’est pas exa­géré. Zoé Olden­bourg a mis dans ce roman une foule de sujets tant sociaux que poli­tiques, tant sen­ti­men­taux qu’historiques, les des­crip­tions des voyages, des habi­ta­tions, villes et vil­lages, des amours, des mœurs , des guerres, des morts et nais­sances, de la domi­na­tion impla­cable de l’homme sur la femme…
Ce roman trans­porte son lec­teur dans un cadre his­to­rique atta­chant, sans embel­lir, avec une belle volonté de décrire une réa­lité. L’importante foule des per­son­nages per­met à la roman­cière de don­ner une belle pro­fon­deur à son récit, un récit qui va se déployer sur une qua­ran­taine d’années. Ils évo­luent, vieillissent et font par­ta­ger leurs sen­ti­ments, les peines, les joies.

Une réédi­tion fort bien venue pour décou­vrir, ou redé­cou­vrir, un monu­ment de la lit­té­ra­ture décri­vant le Moyen Âge de belle manière.

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serge per­raud

Zoé Olden­bourg, Argile et cendres, Folio n° 7254, août 2023, 1056 p. — 14,70 €.

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