Traditionnellement, dans les documentaires historiques ou dans l’enseignement, les récits passent de la mort de Hitler à la capitulation du Reich d’un seul bond, en omettant les huit jours qui séparent ces deux dates.
Huit jours qui certes ne changent rien à l’issue du conflit mais qui ne méritent pas de passer par pertes et profits. On lira donc avec grand intérêt le livre passionnant de Volker Ullrich sur cette semaine particulière.
L’auteur étudie aussi bien les vicissitudes du groupe dirigeant nazi, depuis le suicide de Hitler jusqu’à l’arrestation de l’amiral Donitz par les Alliés, que les souffrances des populations civiles, qu’elles soient juives, allemandes ou russes. Pour le premier groupe, il met en lumière la volonté de continuité qui anime l’amiral dans l’exercice du pouvoir, moins institutionnelle qu’idéologique — ce qui est pire!
Le projet d’une paix avec les Anglo-saxons, afin de poursuivre la guerre contre les Soviétiques, demeure présent jusqu’à ce que l’inflexibilité des Américains ne force les nazis à l’enterrer et à signer une capitulation générale et inconditionnelle.
Mais l’année de l’apocalypse pour l’Allemagne, c’est aussi un cortège terrifiant de souffrances. Celles des déportés traînés tels des squelettes vivants depuis les camps de Pologne, dans de sinistres marches de la mort. Celles des femmes allemandes, battues et violées par une armée de soudards, laissés libres par leurs officiers de se venger sur les femmes de l’ennemi des souffrances de leur propre peuple.
Celles des civils allemands terrés dans les caves où ils espèrent échapper aux bombardements incendiaires des Anglo-Américains qui réduisaient en cendres les villes, les immeubles, les logements. Celles des prisonniers russes, réduits au rang d’esclaves par les nazis et tellement terrorisés à l’idée de retourner en Union soviétiques qu’ils suppliaient leurs geôliers américains de les abattre.
Oui, ce lot de peines et de douleurs, expression de la montée aux extrêmes de la Seconde Guerre mondiale, constitue la trame de ce livre qui se lit très facilement, reliant chaque évènement et chaque individu avec le passé du Reich et le futur de la RFA.
Il montre la lenteur avec laquelle le Reich millénaire agonisa, pour le plus grand malheur de son propre peuple qui paya au prix fort son soutien, et pour certains leur adhésion, à une idéologie païenne et criminelle. Cet ouvrage le démontre avec force.
frederic le moal
Volker Ullrich, 8 jours en mai. L’effondrement du IIIe Reich, Passés/Composés, mars 2023, 352 p. — 24,00 €.