Une fable drôle et irrévérencieuse à souhait !
Les soldats font défiler devant deux hommes les truies de la cité. Mais ceux-ci ne reconnaissent pas l’animal. C’est un individu sournois qui chuchote au soldat-chef que son voisin a une truie. Elle est alors désignée comme celle qui a menacé la monture d’un cavalier, entraînant la chute et la mort de l’homme.
Un mendiant au verbe haut a du mal à obtenir de quoi manger auprès des édiles. De plus, il converse avec une corneille.
Le juge organise un procès, un simulacre pour châtier la meurtrière au grand désespoir de son porcher.
Or, le mendiant a été un avocat dans une autre vie, dans d’autres cités. Il décide de revenir à ce qu’il était dans ce lieu où personne ne le connaît. Avec l’aide d’animaux, il fait en sorte que le plaideur officiel ne puisse assurer la défense de l’accusée et se présente à sa place, justifiant de sa qualité.
Et le procès commence, un procès à charge…
Jusqu’au XVIIIe siècle, l’Église considère que les animaux sont membres à part entière de la communauté de Dieu. Ils sont donc soumis au même régime que les humains. S’ils se rendent coupables, ils doivent être jugés. Il y a, ainsi, quelques exemples célèbres comme la truie anthropophage de Falaise, en 1386. Pour avoir commencé à manger un nouveau-né, elle fut pendue, habillée avec des vêtements de femmes.
Laurent Galandon fait donc juger une truie. Il est vrai que c’est l’animal qui a subi le plus de procès, étant en liberté, se nourrissant de ce qu’il peut trouver et étant omnivore…
En utilisant la mort du fils du comte local, le scénariste construit une histoire riche en développements et illustre nombre de faits de société, encore trop en vigueur à notre époque. Il met face à face un juge qui, avec le procureur et le plaideur, a la mainmise sur la cité, et un avocat qui a la faculté de pouvoir comprendre le langage de sa corneille domestiquée.
Il compose un juge imbu de sa personne et de son pouvoir, méprisant avec tout le monde, même avec son épouse. Il imagine un récit vif, empreint de toutes les laideurs de l’humanité jusqu’à un dénouement peu commun.
Damien Vidal assure dessin et couleurs. Il retient un dessin semi-réaliste, dynamique et une mise en couleurs qui restitue celles en usage à l’époque. Il met l’accent sur les protagonistes de l’affaire, proposant peu de décors grandioses.
Avec cet album, les auteurs signent une chronique judiciaire drôle, irrévérencieuse qui interroge nos rapports au bien et au mal, à l’équité et aux animaux.
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serge perraud
Laurent Galendon (scénario) & Damien Vidal (dessin et couleur), La truie, le juge et l’avocat, Delcourt, coll. “Mirages”, avril 2023, 112 p. — 17,50 €.