Fabien Nury & Matthieu Bonhomme, Charlotte Impératrice — t.02 : “Adios, Carlotta”

Impé­rial !

C’est avec la nar­ra­tion d’une légende maya, Le conte de la femme sté­rile, que débute ce nou­vel album. Elle raconte l’histoire d’un nain et de sa mère adop­tive et illustre la situa­tion, tant poli­tique que per­son­nelle, de Charlotte.

Elle est en route accom­pa­gnée de toute la garde de l’Impératrice com­man­dée par le colo­nel Van des Smis­sen pour retrou­ver Maxi­mi­lien son mari. Celui-ci sort de sa retraite et veut reprendre les rênes de l’empire, un empire chan­ce­lant. Il féli­cite son épouse pour son tra­vail pen­dant son absence, lui repro­chant cepen­dant un manque de diplo­ma­tie. Mais, il se réjouit qu’ils soient réunis.
Pen­dant la soi­rée, il tente de faire valoir ses droits d’époux, se fai­sant repous­ser fer­me­ment. Elle craint qu’il ne soit conta­miné, écou­tant les conseils de la com­tesse de Zichy en la matière. Celle-ci a de l’expérience : “Quinze ans dans toutes les cours d’Europe. Je flaire le chancre à vingt pas.

Face à ce refus et parce qu’il veut don­ner une péren­nité à son empire, Maxi­mi­lien sou­haite adop­ter. Char­lotte envi­sage alors de faire appel aux ser­vices du colo­nel.
Mais l’empire vacille. Les répu­bli­cains de Jua­rez contrôlent une large par­tie du pays et mènent de plus en plus de com­bats victorieux…

S’appuyant sur une docu­men­ta­tion consti­tuée des lettres de Char­lotte, de Maxi­mi­lien, de tra­vaux d’historiens, Fabien Nury retrace le par­cours de cette jeune femme sacri­fiée dans des enjeux géo­po­li­tiques com­plexes. Il montre l’isolement où elle se trouve entre un mari fan­tasque pour ne pas dire incom­pé­tent pour ce rôle et une réa­lité.
C’est aussi le déni face au refus d’un peuple de se faire impo­ser un diri­geant choisi par l’Europe. Si le per­son­nage de Char­lotte reste cohé­rent par rap­port à sa fonc­tion, celui de Maxi­mi­lien est pré­senté sans fards, dans une triste réa­lité. Tota­le­ment décon­necté, coupé du monde, il rêve et prend des déci­sions incongrues.

Peu à peu, Char­lotte va aussi entrer dans un uni­vers oni­rique, pen­ser qu’elle pourra conti­nuer à régner même lorsque Napo­léon III se retire de cette conquête. La mort de son père, roi de Bel­gique, ne va pas lui faci­li­ter les choses.
Pour sa pre­mière héroïne fémi­nine, per­son­nage fémi­nin cen­tral d’une série, le scé­na­riste capte avec brio ce que pou­vait être l’état d’esprit de cette jeune femme, explo­rant avec tact ses désirs les plus intimes, ses doutes et ses souffrances.

En page de garde se place un poème écrit en 1866 par Vin­cente Riva Pala­cio, une réécri­ture acerbe du chant popu­laire La Paloma.
Mat­thieu Bon­homme conti­nue d’assurer un des­sin unique, d’une puis­sance nar­ra­tive peu com­mune, alliant à ses planches une vision ciné­ma­to­gra­phique. Le scé­na­rio lui per­met de pas­ser, avec le même bon­heur, des décors de salons raf­fi­nés du palais impé­rial aux cachots infâmes où sont entas­sés les oppo­sants. Il excelle à mon­trer des pue­blos sous un soleil de plomb, comme une jungle luxuriante.

Delphine Che­dru, qui col­la­bore régu­liè­re­ment avec Mathieu Bon­homme, apporte une belle pierre à l’édifice par une mise en cou­leurs opé­rante.
Ce troi­sième volet de la saga conforte l’opinion de se trou­ver face à une série d’exception.

serge per­raud

Fabien Nury (scé­na­rio), Mat­thieu Bon­homme (des­sin) & Del­phine Che­dru (cou­leur), Char­lotte Impé­ra­trice — t.02 : Adios, Car­lotta, Dar­gaud, mai 2023, 80 p. — 17,00 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>