Michel Bussi, Trois vies par semaine

Une intrigue vertigineuse !

Michel Bussi nour­rit avec entrain des intrigues qui se déroulent à notre époque mais qui trouvent leurs sources dans un passé plus ou moins loin­tain, en géné­ral une géné­ra­tion.
Il ne déroge pas à cette façon de faire dans le pré­sent roman où il conçoit un enchaî­ne­ment habile, met­tant en scène les sen­ti­ments les plus cou­rants qui animent les individus.

Le jeudi 14 sep­tembre 2023, au bel­vé­dère des Quatre Fils Aymon qui sur­plombe la Meuse, dans les Ardennes, le corps d’un homme est repéré par des jog­gers. Sur place, la capi­taine Katel Marelle et deux gen­darmes se livrent aux pre­mières inves­ti­ga­tions pour défi­nir s’il s’agit d’un sui­cide, d’un acci­dent ou d’un meurtre. Ayant ses papiers sur lui, Renaud Duval est vite iden­ti­fié. Il habite un vil­lage proche. Quand ils fouillent la voi­ture dis­si­mu­lée sous un chêne, ils trouvent trois per­mis de conduire authen­tiques, trois iden­ti­tés dif­fé­rentes mais la même photo. Renaud Duval, Pierre Rous­seau et Hans Ber­nard sont nés le même jour dans les Ardennes, à Paris, en Lozère.

Katel se rend chez Renaud pour annon­cer la mau­vaise nou­velle. Agnès, dite Nanesse, la reçoit mais ne com­prend rien à la situa­tion. Ils vivent ensemble depuis vingt-huit ans. Elle décrit un homme calme et atten­tionné, un peu trop maniaque et casa­nier à son goût, mais d’une telle gen­tillesse, d’une telle patience. Il s’absentait une semaine par mois pour son tra­vail.
Vicky Mal­zieu tient un gîte à Ruynes-en-Margeride dans le Can­tal. Elle attend le retour de Hans, un rou­tier inter­na­tio­nal. Elle est à la gen­dar­me­rie, très inquiète. Il aurait dû être là depuis trois jours et ne répond pas au télé­phone. Lola, sa fillette l’attend car il a pro­mis de répa­rer Kas­per, la marion­nette qu’il lui a offerte et dont elle ne se sépare pas.
Éléa, dans le quar­tier Châ­teau Rouge à Paris n’a plus de contacts avec celui qu’elle a sur­nommé Petrou­chka. Pour­tant, il envoie depuis des années plu­sieurs mes­sages, texto par jour. Et arrive un mes­sage bien sibyl­lin : “C’est moi ! Ton Petrou­chka. Je suis assis sur ma tombe. Je t’attends.
Ces trois femmes vont cher­cher à retrou­ver celui qu’elles aiment.
Mais, quand Nanesse fait l’objet d’une ten­ta­tive de meurtre après que le témoin qu’elle a pu iden­ti­fier soit assas­siné, qu’un nou­veau cadavre a été décou­vert près de l’endroit où était celui de Renaud…

Cette fois, Michel Bussi joue avec un récit qui semble impos­sible. Des tri­plés, passe encore, mais nés le même jour à plu­sieurs cen­taines de kilo­mètres l’un de l’autre… Des per­son­nages hors-normes existent, ces humains capables de pro­diges en matière de trans­for­misme tant psy­chique qu’intellectuel. Ne le fait-il pas décrire par quelqu’un qui a eu l’occasion de le côtoyer assez long­temps comme un camé­léon, capable de s’adapter à la per­son­na­lité de ses inter­lo­cu­teurs ?
Ce genre d’individu s’illustre dans des affaires éton­nantes, pou­vant escro­quer des magnats, des déci­deurs. L’exemple le plus récent est Anna Soro­kin qui a trompé des élites new-yorkaises en se fai­sant pas­ser pour une richis­sime héri­tière allemande.

Michel Bussi est un auteur pro­digue. Il ne ménage pas une ima­gi­na­tion fer­tile pour éla­bo­rer et construire des intrigues sub­tiles, retorses, au méca­nisme impi­toyable. Il enchaîne, sans répit, rebon­dis­se­ments et retour­ne­ments. Mais outre l’action, il pas­sionne par le charme de son récit, par la richesse de ses per­son­nages.
Quelle que soit l’idée qu’il retient, il la magni­fie. Il prouve, une fois encore, son don de la mani­pu­la­tion, dans le sens noble du terme, jouant avec les appa­rences, les zones d’ombre, et bien sûr, le passé, les liens qui se nouent, les che­mins sui­vis par cha­cun jusqu’à un car­re­four où tout bascule.

Avec ce récit, le roman­cier fait voya­ger son lec­teur des Ardennes au Tarn, de Paris en Tché­co­slo­va­quie avent que celle-ci n’implose en 1992. Il pro­pose des vers d’Arthur Rim­baud, né à Char­le­ville, pour illus­trer une par­tie de son his­toire. Et les marion­nettes tiennent une place consé­quente dans le livre.
Au terme d’un texte de quatre cents cin­quante pages, sans lon­gueurs, sans digres­sions insi­pides, l’auteur s’offre le luxe d’une conclu­sion expli­ci­tant, avec lim­pi­dité, tous les res­sorts de son intrigue.

Un roman magni­fique, à ne pas manquer !

serge per­raud

Michel Bussi, Trois vies par semaine, Les Presses de la Cité, coll. “Thril­lers”, mars 2023, 456 p. — 22,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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