Turf continue de structurer un univers où le loufoque le dispute au burlesque, où l’humour le plus débridé cohabite avec des sentences plus que réalistes. Ce nouvel opus s’appuie sur le personnage du sergent Bonvoisin et sur ses pérégrinations dans ce palais où il tente de mener une enquête de plus en plus difficile et de retrouver son lieutenant, l’inspecteur Baltimore.
L’auteur multiplie les situations cocasses, livre des dialogues drolatiques mais taxés d’un bon sens et appuyé sur une réalité tangible. En effet, si cette nef n’en finit pas de s’étoffer, elle s’inspire par nombre de côtés, à notre société. Derrière ce qui ressemble à de la loufoquerie, il y a dénonciation de la folie des hommes et la perte des valeurs humanistes.
Knacky, le chien policier, est sur la piste du page terroriste. Il s’arrête pour uriner sur les pieds d’une armure. Le policier qui le suit, par crainte d’une belle amende, l’entraîne loin du lieu du forfait. Or, c’est dans cette armure que se dissimule le preux sergent Bonvoisin, alias Célestin Parfait. Il se cache depuis qu’il a détruit un certain nombre de pièces du palais et la magnifique serre. Il marche vers la sortie, mais l’armure grince fortement. Pour fuir plus vite, il emprunte un scooter de police et déclenche un branle-bas de combat dans le cadre d’un C.I.F.B.A.Z.C. – Cas d’Intrusion de Forces Belligérantes Armées dans la Zone de Commanderie.
S’il peut toutefois s’échapper, il chute dans les sous-sols par une trappe de buanderie.
Pendant ce temps, plus haut dans le palais, les membres du Conseil bavardent et commentent l’état des dégâts que dresse le Grand Chancelier. Et c’est sans compter la disparition de la reine et de sa dame de compagnie. Survient alors Ambroise qui s’est auto-libéré de sa peine et qui sème le doute dans l’esprit du roi quant à sa connaissance de l’état des coffres…
Turf réalise un graphisme d’une extravagance beauté. De son trait fin, précis, il détaille personnages et décors. Il fait preuve d’une inventivité sans cesse renouvelée dans les cadrages, dans les plans, usant de toutes les possibilités que lui offrent le dessin. Il montre la même inventivité dans les accessoires, véhicules, uniformes…
Avec ce nouvel album, Turf, ce magicien des mots et du crayon, donne un bel exemple de ce le talent permet. C’est magnifique et on en redemande !
serge perraud
Turf (scénario, dessin, couleurs), La Nef des fous — t.12 : À peu près preux, Delcourt, coll. “Terres de légendes”, janvier 2023, 48 p. — 14,95 €.