Fadi El Hage, La guerre de Succession de France. Henri IV devait-il être roi ?

Henri IV roi inévitable ?

Il est curieux que la mémoire col­lec­tive comme l’historiographie n’utilisent jamais l’expression de “guerre de Suc­ces­sion de France” pour nom­mer les évè­ne­ments ayant déchiré le royaume des Lys entre 1588 et 1595 au moins. On devrait le faire à l’instar de la guerre de Suc­ces­sion d’Espagne, d’Autriche, de Bavière, de Man­toue, etc.
Car la crise mar­quant la fin de la dynas­tie des Valois et l’avènement de la Mai­son de Bour­bons en a les carac­té­ris­tiques : une guerre civile autour de plu­sieurs pré­ten­dants au trône et l’ingérence des puis­sances étran­gères. On lira donc avec grand inté­rêt l’étude minu­tieuse qu’en fait Fadi El Hage en impo­sant l’expression de guerre de Succession.

En effet, l’auteur décrit avec pré­ci­sion le méca­nisme infer­nal qui se met en place quand il devint évident que Henri III n’aurait pas de des­cen­dant. Le cou­teau de Jacques Clé­ment déclen­cha la crise qui vit s’affronter Henri de Navarre, le car­di­nal de Bour­bon, et la Ligue catho­lique autour du duc de Guise, puis de son jeune fils.
La Très Catho­lique Espagne ne man­qua pas de jouer sa par­ti­tion afin d’affaiblir sa rivale fran­çaise et de l’intégrer de force dans sa stra­té­gie anti-anglaise.

Nous retien­drons deux élé­ments fon­da­men­taux de cette relec­ture des évè­ne­ments que l’on croyait bien connaître. Le pre­mier se situe dans le poids de l’histoire de la monar­chie fran­çaise et de ses crises suc­ces­so­rales que les contem­po­rains les plus let­trés, en vérité, connais­saient très bien. Henri III serait-il le nou­veau Charles le Gros ? Guise le nou­veau maire du palais, chef des Pip­pi­nides ver­sion Renais­sance, en attente de détrô­ner les Mérovingiens-Valois com­plè­te­ment délé­gi­ti­més ?
Tout cela était pris très au sérieux et chaque camp y pui­sait une légi­ti­mité historico-politique.

Second point cru­cial : l’inscription dans le marbre des Lois fon­da­men­tales du royaume. Non, Henri IV ne pou­vait pas res­ter pro­tes­tant. Le roi de France devait être catho­lique. Et pour le deve­nir plei­ne­ment, trois étapes lui furent néces­saires : l’abjuration, le sacre et l’absolution du pape Clé­ment VIII. Le pre­mier Bour­bons ins­tal­lait ainsi une royauté dont la nature élec­tive s’effaçait au pro­fit d’une  monar­chie de droit divin.
Mais le roi devait être aussi fran­çais comme le pro­cla­mèrent les Etats Géné­raux et le Par­le­ment de Paris en réaf­fir­mant la loi salique. Et ce, afin d’entraver la com­bi­nai­son ima­gi­née par Phi­lippe II d’Espagne : le mariage de sa fille, née de son union avec une prin­cesse fran­çaise, avec un prince fran­çais. Seul un prince fran­çais et catho­lique pou­vait ceindre la cou­ronne de Saint-Louis.

Ce ne pou­vait donc qu’être Henri IV. “En 1593 avait été fait un choix dans la lignée de 1328. Non quoique Capé­tien mais parce que Capé­tien.“
Ce livre le démontre à merveille.

fre­de­ric le moal

Fadi El Hage, La guerre de Suc­ces­sion de France. Henri IV devait-il être roi ?, Passés/Composés, mars 2023, 381 p. — 23,50 €.

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