1813, la fin de l’Empire, déjà…
C’est une nouvelle fois un livre remarquable, du genre de ceux que l’on dévore, que Charles-Eloi Vial nous offre de lire. Un magnifique récit de l’année 1813, peut-être une des moins connues par rapport à 1814 — la première chute de Napoléon — et à 1815 — la chute définitive. En effet, ce fut cette année-là, selon lui, que l’Empereur manqua l’occasion de sauver son système et sa couronne.
Le brillant historien fait tout d’abord un récit minutieux de l’ensemble des évènements jalonnant cette année 1813, ouverte par le retour de Russie d’une armée impériale en réalité brisée, et achevée par la bataille de Leipzig, “première véritable défaite personnelle de l’empereur, et le tombeau de la Grande Armée”.
Un affrontement où Napoléon s’avéra incapable de battre successivement ses adversaires. Entre ces deux amères défaites, le trop méconnu congrès de Prague, “congrès de dupes” où Napoléon fit à peine semblant de négocier avec ses interlocuteurs, les représentants des grandes puissances, soumises parce que battues, revanchardes parce qu’humiliées.
Au centre de ce jeu diplomatique qui structure toute l’année 1813, dans lequel entrent les Etats alliés de la Confédération germanique placés devant un choix terrible — tiraillés entre fidélité et désir de souveraineté — se trouve l’Autriche.
C’est-à-dire l’empereur François bien sûr, beau-père du Corse, dont la décision de rejoindre la coalition ennemie fit basculer tout l’édifice français, mais aussi et surtout Metternich, dont Charles-Eloi Vial trace un portrait absolument fascinant.
Ensuite, loin de toute cette hagiographie sous-jacente à bien des études napoléoniennes, Charles-Eloi Vial met en cause directement Napoléon, dont il fait le principal artisan de sa propre chute. Au cœur de 1813 se trouve en effet cette possibilité qu’avait le vainqueur d’Austerlitz de signer cette paix avec les Alliés que bien des hommes de son entourage, à commencer par Caulaincourt, lui suppliaient de signer. Laquelle paix aurait préservé l’Empire et une bonne partie de ses conquêtes, au nom de cet équilibre si cher à Metternich.
Or, précisément, cette notion d’équilibre n’appartenait pas à l’univers mental de Napoléon qui ne comprenait que le rapport de force, la paix imposée par la victoire des armes. une victoire totale pour une guerre déjà totalisante. Il inversait en fait le schéma de Clausewitz à son avantage. Alors même que sa propre armée, ses officiers si fidèles et la majorité du peuple français n’en pouvaient plus de cette gloire des champs de bataille et aspiraient à la paix.
Cette terrible mécanique, dans laquelle un Napoléon en réalité épuisé et fermé, ivre de sa propre gloire, s’était lui-même enfermé, est magistralement décrite par Charles-Eloi Vial.
frederic le moal
Charles-Eloi Vial, Sauver l’Empire. 1813 : la fin de l’Europe napoléonienne, Perrin, février 2023, 416 p. — 25,00 €.