Alex Chauvel & Ludovic Rio, Les Murailles invisibles –Tome 1

Une magni­fique parabole

Avec ces murailles qui seg­mentent la pla­nète, Alex Chau­vel com­pose un récit fan­tas­tique sédui­sant. Il s’offre des pos­si­bi­li­tés d’intrigues, de rebon­dis­se­ments mul­tiples et il ne se prive pas d’en déve­lop­per un cer­tain nombre.
Il illustre, par ce décou­page en zones qui évo­luent dif­fé­rem­ment, les diverses manières dont peuvent muter les socié­tés, de la régres­sion à l’évolution tech­no­lo­gique débri­dée en pas­sant par tous les stades inter­mé­diaires.

M
ais son récit ne puise-t-il pas dans une bien triste réa­lité ? Ces murailles, ces fron­tières existent de façon moins évi­dentes mais tout aussi effi­caces. Connaît-on le quo­ti­dien du peuple nord-coréen ? Outre des diri­geants incon­sé­quents, avait-on une idée claire de la pro­pa­gande du régime pou­ti­nien ? Le déca­lage de temps existe entre une civi­li­sa­tion de type occi­den­tal et une com­mu­nauté iso­lée au cœur de l’Amazonie. Plus près encore, a-t-on une idée pré­cise du quo­ti­dien d’une per­sonne qui n’a que la RSA pour survivre ?

Dans la file pour l’enregistrement à un aéro­port, un homme télé­phone. Sou­dain, plus de réseau et l’avion qui décolle explose en vol.
Ce même homme, trois mois plus tard, est pour­suivi pour la pos­ses­sion d’une boite de conserve. La civi­li­sa­tion a sou­dai­ne­ment dis­paru et c’est le retour à la sur­vie basique. Alors qu’il est à terre, ter­rassé par son agres­seur, il est sauvé par l’arrivée d’un petit groupe en uni­forme, mené par Asphanie.

Lino, c’est son nom, s’intègre en essayant de com­prendre la situa­tion géné­rale. Ses nou­veaux com­pa­gnons sont ori­gi­naires de Nos­toc. S’il ignore où se trouve cette ville, il com­prend que la Terre est qua­drillée par des murailles invi­sibles qua­si­ment infran­chis­sables. Le plus trou­blant est le déca­lage du temps selon les zones. Si, pour lui, il ne s’est passé que trois mois, pour ses com­pa­gnons plus de trois siècles se sont écou­lés. Ils pos­sèdent les moyens de visua­li­ser les murailles, de trou­ver des pas­sages. Mais, ils ignorent ce qui les attend de l’autre côté, chaque zone pos­sède ses propres carac­té­ris­tiques.
Aspha­nie et ses coéqui­piers sont à la recherche de la source des ondes qui génèrent ces fron­tières. Mais, quand ils perdent l’un des leurs qui reste pri­son­nier dans une zone où la société a régressé…

Le scé­na­riste struc­ture son récit de belle manière autour de ce per­son­nage prin­ci­pal qui doit se remettre à écrire pour tenir le jour­nal de l’équipe alors que, depuis dix ans, il n’utilisait plus que son télé­phone, même pour une liste de courses.
Il donne une vision éten­due de la régres­sion de cer­tains groupes avec l’appauvrissement du lan­gage, le retour à une bar­ba­rie institutionalisée…

Le gra­phisme est l’œuvre de Ludo­vic Rio. Avec un des­sin semi-réaliste et des cou­leurs légè­re­ment pas­sées, adap­tées à l’atmosphère qu’il sou­haite faire res­sen­tir, il pro­pose une mise en images attrac­tive et opé­rante. Son trait éner­gique, où chaque détail compte, met en scène des per­son­nages repré­sen­ta­tifs et aisé­ment recon­nais­sables. Ses décors expli­cites situent natu­rel­le­ment le cadre de l’action.
Ce pre­mier volume des Murailles invi­sibles dévoile une belle série avec un fan­tas­tique peu banal, un récit tonique et des per­son­nages construits avec grand soin.

serge per­raud

Alex Chau­vel (scé­na­rio) & Ludo­vic Rio (des­sin et cou­leur), Les Murailles invi­sibles –Tome 1, Dar­gaud, février 2023, 92 p. – 17,00€.

 

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