Quand le refus de l’ordre mondial…
Frédéric Paulin installe son intrigue dans le cadre du G8 se déroulant à Gênes en Italie. Les actions des Altermondialistes se heurtent à des forces de l’ordre déterminées, comme cela a déjà été le cas à Göteborg où un jeune militant avait trouvé la mort. Cette mort, cependant, ne modère pas l’ardeur des contestataires. Ils comptent bien profiter de cette nouvelle occasion pour faire entendre leurs revendications.
Ce drame est porté par des personnages représentant les principaux groupes impliqués directement ou indirectement.
En première ligne, Wag, surnom de Chrétien Wagenstein, et Nathalie Deroin, qui est devenue sa compagne après qu’il l’a sauvée des policiers qui s’apprêtaient à la tabasser à Göteborg. Pour éviter une condamnation, il y a quelques mois, il a dû accepter d’être l’indic d’un couple de lieutenants de la DST, Mélanie Martinez et Gislain Cazalon. Ceux-ci font équipe pour surveiller les individus, les groupes et les organisations étiquetées à l’extrême gauche. C’est à ce titre qu’ils sont convoqués par Laurent Lamar. Fidèle de Chirac, il est au sein du staff communication-opinion de l’Elysée. Il doit trouver des “petites phrases” en cas d’affrontements violents à Gènes. Il suit le Président au G8 et, outrepassant ses fonctions, il se trouve piégé par Franco de Carli qui milite pour réinstaller le fascisme. Pour l’heure, celui-ci doit coordonner le plan de sécurité de la ville.
Génovéfa Gicquel, journaliste au JDD, rêve de grands reportages. Elle réussit à remplacer celle qui devait couvrir l’événement. Sur place, elle rencontre Erwan Corbeil, photographe. Quand au caporal-chef Dario Calvini, il est prêt à en découdre.
Et, dans le guêpier qu’est devenu Gênes, autour du carré ultra protégé où discutent les chefs d’État et leurs conseillers, la violence règne en maîtresse, touchant tout le monde…
L’Altermondialisme, le black bloc sont des mouvements qui couvent nombre de courants différents. Ce ne sont pas des blocs au mot d’ordre unique mais la réunion plus ou moins structurée de mouvances, de chapelles, qui jouent leur propre jeu quand elles ne se concurrencent pas, voire ne se combattent pas.
Avec cette intrigue, Frédéric Paulin détaille ce que sont ces mouvements, leurs compositions, leurs fonctionnements. Il décrit les dissensions, la méfiance, la défiance des uns envers les autres. Avec sa galerie étoffée de protagonistes, il offre des points de vue étayés sur les événements, sur la façon dont chacun agit en fonction de ses objectifs, en rapport avec sa vision de l’instant, du monde. Il raconte l’univers politique, les ambitions, les malversations que s’autorise ce microcosme de conseillers qui gravitent dans les hautes sphères. Le portrait de Berlusconi vaut son pesant d’or.
Dans ce décor dantesque, du lundi 16 au dimanche 22 juillet 2001, Frédéric Paulin installe une intrigue adroitement orchestrée, mêlant avec habilité événements authentiques et éléments de fiction. Dans un glossaire, il récapitule les différents mouvements cités, les personnages ayant existé.
Dans sa conclusion, il liste des blessures subies, des tortures endurées par des contestataires.
Ce livre qui oscille entre roman policier et reportage se lit avec avidité tant les événements génèrent une tension avec des personnages superbement construits et mis en scène.
serge perraud
Frédéric Paulin, La nuit tombée sur nos âmes, Folio Policier n° 981, février 2023, 320 p. – 9,20 €.