Avec ces personnages de premier plan que sont Louis XI, Charles de Bourgogne, qui sera surnommé le Téméraire, et son beau-frère Edouard IV roi d’Angleterre, la grande Histoire est très présente. Mais ces individus sont traités de façon railleuse, mettant plus en avant leurs défauts, leurs penchants pour en faire des acteurs de comédie.
Car c’est bien à une comédie que les deux scénaristes convient les lecteurs en proposant un récit truculent, drôle, fantaisiste, déjanté, voire loufoque.
L’opposition politique et guerrière entre Louis XI et Charles le Téméraire fait partie des grandes pages de l’histoire de France et les auteurs surfent sur ces combats que les deux hommes se sont livrés. Mais avec le parti pris de l’humour ! Ils introduisent pour aider Loulou, comme dit l’abbesse, des nonnes qui ne sont pas que contemplatives, un duo atypique composé d’une jeune fille noble et d’un individu au passé trouble, plus un boulet qu’un appui.
En ce mois de juillet 1475, un homme chevauchant une mule se dirige vers Calais. Dans le même temps, Blanche de l’Oye et Arnaud, tous deux revêtus d’un habit de religieuse, se rendent aussi à Calais. Et, du couvent de la Congrégation des sœurs contemplatives de sainte Marie-Madeleine, un groupe de nonnes prennent aussi le chemin pour la même cité en emmenant Olivier le Daim.
Tous ces voyages sont la conséquence de la visite il y a quelques temps, à Windsor, d’un émissaire de Charles, duc de Bourgogne. Ce dernier offre une fortune à Edouard IV pour qu’il envahisse la France depuis Calais et tue Louis XI. Les deux complices se partageront alors le royaume de France.
Mais les secrets sont faits pour être connus et Louis XI informé va tenter une manœuvre pour retourner le complot. Il peut compter sur l’aide efficace de ces religieuses menées par l’abbesse Pulchérie de la Passion, par Blanche embarrassée d’un Arnaud gaffeur et maladroit et par une grosse somme d’argent sous forme d’une lettre de change d’un banquier florentin.
Les scénaristes multiplient les bons mots, les jeux de mots, les situations cocasses avec une rare efficacité. Ils introduisent des concepts d’aujourd’hui transposés de manière si farfelue. Comme cette dame qui reproche à son dragon, qui vient de dévorer une mule, de manger de la viande car ce n’est pas bon pour l’écologie. Le tempo imposé au récit rend celui-ci encore plus attractif.
Les dessins de Christian Paty, à l’aquarelle, sont expressifs et d’une belle tonicité. À mi-chemin entre réalisme et caricature, il compose une fresque de protagonistes aussi dévastateurs que hauts en couleur. Il soigne de belle manière la mise en page et propose des décors réalisés avec soin.
La mise en scène de cette opposition historique entre le roi, surnommé Universelle Aragne (Araignée), et le duc sert de toile de fond à une fiction malicieuse où les scénaristes et le dessinateur font feu de tout bois pour offrir un grand moment d’humour.
serge perraud
Sophie Flamant & Bernard Swysen (scénario), Christian Paty (dessin et couleurs), Les Mantes religieuses — t.02 : La Stratégie de l’araignée, Soleil, coll. Hors Collection, janvier 2023, 48 p. – 14,95 €.