Fred Duval & Philippe Scoffoni, NeoForest — t.01 : “Cocto Citadelle”

Quand le futur s’inspire du passé…

Le futur est un champ immense pour tout auteur à l’imagination fer­tile. Et ce futur peut prendre tant de formes dif­fé­rentes qu’il y a le choix. Après Renais­sance (Dar­gaud), sa superbe série où il ima­gine une civi­li­sa­tion d’extraterrestres venant au secours d’une Terre com­plè­te­ment asphyxiée, Fred Duval change de registre et pro­pose un modèle issu du passé.
Il recons­ti­tue un sys­tème social du type féo­dal, com­biné à une évo­lu­tion née des anciennes civilisations.

Une femme, en forêt, pré­lève des élé­ments végé­taux quand elle découvre un che­val har­na­ché, mort, pri­son­nier d’un arbre.
Les civi­li­sa­tions se sont effon­drées. Plu­sieurs siècles après, de nou­velles socié­tés ont émergé d’un monde retourné à l’état sau­vage sous l’impulsion de chefs de guerre, sys­tème qu’ils ont bap­tisé Neo­Féo­dal.
Aux confins de l’ancienne France et d’une grande forêt, l’un d’eux s’est consti­tué en royaume. Pro­priété du comte Cocto, il est auto­nome grâce à une usine-forteresse qui assure éner­gie, eau, vivres… La popu­la­tion appar­tient au comte.

Les cultures trans­gé­niques ont donné à toute la flore des capa­ci­tés de repro­duc­tion remar­quables et nais­sance à la Neo­Fo­rest.
Cocto excelle dans des joutes. Sa fille, Blanche, unique héri­tière de dix-sept ans, se dés­in­té­resse du pou­voir.
Mais quand le comte est griè­ve­ment blessé dans un tour­noi, que Blanche, par­tie pour les confins, dis­pa­raît, il charge Paul Greem, ancien garde fores­tier et oppo­sant, de la retrou­ver. Mais, ils ignorent encore le grand dan­ger qui menace Blanche et le royaume…

L’auteur met en scène une société où une noblesse oisive invente des joutes d’un nou­veau modèle sur le prin­cipe de celles en vogue du XIVe au XVIe siècles. Cepen­dant, à tra­vers ce récit, sur les pas de cette jeune fille rebelle, on retrouve des pré­oc­cu­pa­tions très actuelles comme cette géné­tique qui évo­lue vers le rem­pla­ce­ment d’organes défaillants, accès réser­vés aux plus riches.
L’écologie, bien sûr, n’est pas oubliée. Il place éga­le­ment des élé­ments d’intrigue liés au pou­voir, sa prise et sa conser­va­tion, à la liberté indi­vi­duelle quand elle n’empiète pas sur celle des autres. Il ins­talle une dose de fan­tas­tique en rap­port avec des contes et des légendes.

Fred Duval se montre sans illu­sions sur la nature humaine quand il fait dire à l’un de ses per­son­nages : “Après quelques années d’encanaillement théo­rique, les gosses de riches ont ten­dance à reve­nir au ber­cail et retom­ber dans le confor­misme fami­lial.
Mais, en conteur accom­pli, il ins­talle tous les ingré­dients d’un récit en ten­sion, fai­sant mon­ter gra­duel­le­ment une pres­sion induite par des dan­gers qui res­tent à découvrir.

Philippe Scof­foni assure seul le gra­phisme. Si son des­sin est réa­liste, il ne pro­pose que quelques traits pour construire per­son­nages et décors, lais­sant à la cou­leur le soin de don­ner le relief et une dimen­sion de pro­fon­deur. Il offre des planches fort attrac­tives, fai­sant res­sor­tir avec maes­tria les diverses ambiances.
Jouant avec la lumière pour les joutes, par exemple, il donne une atmo­sphère inquié­tante avec des tons verts et bruns pour l’univers végétal.

Un pre­mier tome fort inté­res­sant pour le cadre du récit, pour la gale­rie des acteurs de l’intrique et pour des planches très plai­santes pour le regard.

lire un extrait

serge per­raud

Fred Duval (scé­na­rio) & Phi­lippe Scof­foni (des­sin et cou­leur), Neo­Fo­rest – t.01 : Cocto Cita­delle, Dar­gaud, jan­vier 2023, 64 p. – 16,50 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>