Ana Miralles méritait bien un Artbook pour mettre en valeur, si besoin était, son immense talent. Les albums, les séries qu’elle a illustrés permettaient déjà de se faire une belle idée de la qualité de ses réalisations. Il manquait, cependant, une meilleure connaissance de cette remarquable dessinatrice et aquarelliste, lacune comblée avec les entretiens accordés à François Landon.
L’album s’ouvre sur une photo de l’artiste et sur un texte de Juanjo Guarnido qui exalte la technique maîtrisée d’Ana Miralles. Il sait de quoi il parle assurant, entre autres, la mise en couleurs de Blacksad, son fameux chat enquêteur.
Jean Dufaux, avec qui elle a collaboré pour les différentes saisons de la série Djinn, pendant quinze ans, ne pouvait pas être absent de cet ouvrage, relatant leurs relations de travail.
Une double page, montrant la créatrice à sa table de travail, donne une idée de son environnement professionnel tout en étant restrictif car l’intervieweur décrit un atelier vaste et lumineux occupant tout le premier étage de la maison qu’elle partage avec Emilio Ruiz.
Dans la longue interview, élégamment iconographiée, elle détaille son travail, son trajet professionnel et personnel, ses choix artistiques, sa famille, ses débuts dans un univers peu ouvert aux femmes. Elle cite ceux qui l’ont inspirée, aidée. Elle livre les noms que ceux qui restent, à ses yeux, des maîtres incontestables de la peinture comme ces Rembrandt, Bruegel, Van Dyck…
Puis six chapitres, introduit chacun par un texte érudit, permettent de jalonner une partie son œuvre. C’est ainsi que l’on a Les blasons selon Ana, ce genre poétique venu du Moyen Âge pour exalter la beauté féminine. Avec Les formes et les matières ce sont tous les voilages, broderies, sequins, émaux, bijoux… dont elle pare ses héroïnes et les décors qui les entourent.
Les mystères d’Istanbul, Vertiges d’Afrique et Les routes des Indes sont consacrés essentiellement à la série Djinn (Dargaud). Le démon dans la peau rappelle tous les tatouages de ses personnages, l’origine de ceux-ci. Un cahier graphique présente quelques dessins supplémentaires dont deux d’Ava Gardner, cette actrice sur laquelle elle travaille. Le scénario d’Emilio Ruiz raconte la semaine calamiteuse de la vedette de La Comtesse aux pieds nus faisant la promotion de son film à Rio de Janeiro.
Le grand format retenu par l’éditeur met en valeur la reproduction des illustrations originales, les différentes techniques utilisées depuis le crayon en passant par les encres de couleurs pour aboutir à ces aquarelles. De plus, nombre de ces illustrations sont inédites.
Un ouvrage de référence qui une lève une partie du voile sur cette talentueuse créatrice qu’est Ana Miralles et met le projecteur sur une œuvre unique.
serge perraud
Ana Miralles — Artbook, textes et entretien de François Landon, Éditions Daniel Maghen, novembre 2022, 176 p. — 39,00 €.