La bataille de Valmy met en scène une armée massive de citoyens et les opérations récentes au Mali déploient des petits groupes de professionnels. Comment est-on arrivé de l’une à l’autre en passant par les guerres napoléoniennes, les grands conflits di XIXe siècle, les guerres coloniales et les deux déflagrations mondiales ?
De la naissance sanglante de l’armée d’Afrique au XIXe siècle, aux Opex comme celle du Mali, Jean Lopez et ses rédacteurs passent au crible, en 61 articles, les opérations militaires, les guerres menées par l’Armée française.
Celle-ci se démarque de celles de beaucoup d’autres pays par sa spécificité. Elle est au service de la Nation et non un État dans l’État ou la branche armée d’une politique de castes financières. Mais, depuis 1830 et son intervention en Algérie, point de départ de cette étude exhaustive, elle a évolué plus ou moins bien.
Une large part de ce dossier est consacrée aux mutations de ce corps étatique en fonction des différents types de gouvernements, des divers types de dirigeants et de sa structure assez particulière. En effet, elle est fragmentée en trois catégories de corps, l’intendant, l’ingénieur et le soldat, donnant une identité bien spécifique.
Ainsi, le premier, souvent civil, maîtrise les fournitures et leur distribution, contrôle le fonctionnement des forces en regard de l’autorité gouvernementale. Mais la figure de l’ingénieur est fondamentale dans la préparation et la conduite pendant les conflits. Le maître en la matière, jusqu’alors inégalé, fut sans doute Lazare Carnot qui a porté le titre d’Organisateur de la Victoire.
Cependant, cette tradition rationaliste n’a pas que des côtés positifs car c’est remplacer l’intelligence de la situation par un esprit de synthèse qui n’est pas toujours efficient. Ainsi les batailles de 1918 accouchent de la Ligne Maginot et de l’effondrement de 1940. Précédemment, ce sont les carnages d’aout 1914.
Et puis le soldat, celui qui est confronté aux combats et à la guerre et à ses évolutions. La France a été, parmi les puissances européennes celle qui a connu la plus grande variété de types de guerre et ce depuis longtemps.
Les auteurs passent ainsi deux siècles histoire, d’évolutions plus ou moins réussies. Si le livre débute par la guerre d’Algérie en 1830, il traite de de la guerre de Crimée. Puis, sur la Grande Guerre, les regards s’attardent surtout sur Verdun et Salonique. Une belle série d’articles racontent l’armée de 1918 et sa marche en avant. La Seconde Guerre mondiale est traitée précisément puis, ce sont les conflits en Indochine, en Algérie. Et les Opex de Bizerte, Sarajevo, d’Afghanistan et du Mali font l’objet d’études.
Une partie entière est consacrée aux troupes, des soldats de 1914, de 1959, à celui de 1991, le passage des zouaves aux paras. Ce sont aussi les portraits de quelques soldats remarquables tels Ardant du Picq, Gamelin…
Pour chaque article, que celui-ci porte sur des batailles, des interventions, qu’il traite des troupes, des armes, des doctrines ou des soldats, les auteurs dressent une ou plusieurs cartes, positionnent les lieux, explicitent l’état des forces en présence. Chaque article est enrichi par une iconographie de premier ordre et par des documents synthétiques à la fonction éclairante.
Une étude passionnante pour mieux cerner l’évolution de cette partie de la Nation.
serge perraud
Jean Lopez, L’Armée française — Deux siècles d’engagement, Éditions Perrin, novembre 2022, 400 p. — 35,00 €.