Joël Alessandra, On la trouvait plutôt jolie (roman de Michel Bussi)

Un tra­vail de nar­ra­tion ori­gi­nal sur un récit poignant

Avec cet album, les auteurs abordent un sujet d’une actua­lité quasi quo­ti­dienne. Les migrants, ces réfu­giés qui tentent de sur­vivre dans des contrées qu’on leur a décrites comme un pays de cocagne, portent une large part de l’intrigue.

Leyli Maal s’est mise en route très tôt pour négo­cier un nou­vel appar­te­ment. Elle vou­drait, à la place de son F1, un cin­quante mètres car­rés pour loger ses trois enfants. Elle a un tra­vail en CDI.
Presque au même moment, dans une chambre du Red Cor­ner, Bamby bande les yeux de Fran­çois pour pimen­ter des jeux amou­reux. Quelques heures plus tard, le com­man­dant Petar Velika et le lieu­te­nant Julo Flores, sur les lieux, exa­minent un corps exsangue. Ils sont intri­gués, on lui a fait une prise de sang avant de le tuer. Le mort est vite iden­ti­fié. Il pilo­tait le ser­vice finan­cier de Vogel­zug, une asso­cia­tion d’aide aux réfu­giés. Petar Velika s’inquiète alors car les emmer­de­ments ne font que com­men­cer. Près du cadavre, les poli­ciers ont trouvé six coquillages et un bra­ce­let rouge déchiré.

L’amie étu­diante de Bamby, la fille de Leyli, qui habite l’étage du des­sous, se plaint de la musique forte qui l’empêche de tra­vailler ses cours. Mais, en face, un homme sou­tient que la musique ne le gêne pas. Il s’introduit timi­de­ment dans la vie de Leyli. Elle lui raconte une par­tie de sa vie, se gar­dant de dévoi­ler cer­tains pans comme son tré­sor, son secret…
La vidéo de l’hôtel a filmé l’arrivée du couple. La femme porte un fou­lard avec des motifs de chouettes et fixe l’objectif avec défi tout en gar­dant une large par­tie de son visage dans l’ombre.
Julo Flo­rès, avec le zèle de la jeu­nesse traque sur tous les réseaux ce visage entrevu. Il ne peut croire que cette jeune femme soit une cri­mi­nelle. Mais quand un nou­veau cadavre est décou­vert dans des condi­tions similaires…

Dans ses romans, Michel Bussi tisse une intrigue où l’humanisme est tou­jours très pré­sent. Avec On la trou­vait plu­tôt jolie, il ne manque pas de le faire poin­ter les côtés dou­lou­reux de ceux qui doivent vivre de telles situa­tions. Très docu­menté, son récit intègre nombre d’éléments fac­tuels sur le sujet.
Ainsi, il fait racon­ter par Leyli son périple de plu­sieurs années entre Segou, au bord du grand fleuve Niger, et Mar­seille, les dan­gers et les pièges sans nombre, les contraintes à subir, les hor­reurs à vivre, les viols, la cor­rup­tion, l’ignominie de cer­tains humains.

Il place, dans la bouche de ses per­son­nages, quelques véri­tés, pointe des dys­fonc­tion­ne­ments, des inco­hé­rences admi­nis­tra­tives si chères au droit fran­çais : “Les pauvres doivent avoir la chance de vivre dans un pays en guerre pour pou­voir res­ter chez nous. [… ] Et ne me deman­dez pas pour­quoi on a le devoir d’accueillir un gars qui crève de peur chez lui et pas un gars qui crève de faim.“
Il décrit ces “rubans de Moe­bius” tis­sés avec une accu­mu­la­tion de textes qui finissent par se contre­dire, ce qui fait, d’ailleurs, le bon­heur de quelques avo­cats retors devant les tribunaux.

Bussi dénonce les fausses émo­tions trans­mises par ces médias assoif­fés de faits divers san­glants, les hypo­crites qui versent des larmes de cro­co­dile : “L’expérience lui avait appris que les cadavres bien frais sont l’ingrédient prin­ci­pal de la recette de la com­pas­sion huma­ni­taire.” C’est aussi la dénon­cia­tion du pro­fit, les mar­chés juteux que repré­sente l’immigration.
En quatre jours et trois nuits, du désert sahé­lien à la jungle urbaine de Mar­seille, du Maroc à Port-de-Bouc, l’album dépayse en offrant une vision nova­trice par un regard aigu sur les socié­tés qui se par­tagent ces espaces.

Joël Ales­san­dra assure l’adaptation en album et la mise en images à l’aide d’aquarelles d’une fraî­cheur remar­quable. Il res­ti­tue magni­fi­que­ment l’esprit du roman, les points forts, les élé­ments essen­tiels de l’intrigue et donne à lire une his­toire sur l’immigration et le déra­ci­ne­ment poignante.

serge per­raud

Joël Ales­san­dra (scé­na­rio d’après le roman de Michel Bussi, des­sin et cou­leur), On la trou­vait plu­tôt jolie, Édi­tions Michel Lafon, sep­tembre 2022, 144 p. – 22,95 €.

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